Les Trois Mousquetaires

George Sidney, 1948 (États-Unis)

Gene Kelly n’a pas tout à fait l’âge du rôle, c’est entendu. Les enjeux politiques nous échappent, reconnaissons-le (sinon une vague rivalité entre couronnes). Les tons sont changeants et les humeurs des personnages offrent parfois, d’un moment à l’autre, plus de contraste que le Technicolor de la pellicule. Les Trois Mousquetaires ne sont donc certes pas une adaptation parfaite du chef-d’œuvre de Dumas, d’autant que, tout en coupant dans le vif du roman, et malgré les deux heures de récit, il reste incroyablement dense. Mais ces deux heures en vérité offrent une suite d’aventures des plus intenses, où les cavalcades et les combats à la rapière alternent avec les moments de camaraderie et les intrigues de cours. Le rythme est haletant et les héros des plus attachants.

Il est même étonnant de constater en revoyant le film qu’il ne m’en était resté que la fougue, la jovialité et les bonds de Gene Kelly alors que l’histoire reprise par Robert Ardrey n’omet pas la force dramatique du roman ni ses tourments. Passée la légèreté du début s’accordant avec la naïveté de D’Artagnan, son installation à Paris et les premières embuscades, l’ensemble bascule progressivement vers de plus sombres moments (la profonde mélancolie d’Athos, la mort de Constance, et le personnage maléfique de Milady conduit devant le bourreau au crépuscule). En une feinte ou une acrobatie improbable, certainement validée par la rapidité des transitions et par toute la sympathie que l’on aura eu pour le film jusque-là, le désespoir final est mué en une bonne humeur soudain retrouvée en deux trois scènes d’une grande brièveté. Les ultimes échanges de fleurets, les mousquetaires par le roi congratulés, les sourires de chacun fixés, peut-être une dernière touche d’humour et voilà ces Trois mousquetaires parfaitement emballés.

En outre, Lana Turner (Milady de Winter) et Vincent Price (le cardinal de Richelieu) forment un couple d’opposants diaboliques assez réussi. On ne se lasse pas de voir Price jouer de ses yeux pour tour à tour séduire ou figer d’effroi. Superbe image également que Richelieu dans son fauteuil, un chat dans les bras, réglant ses affaires les plus perfides avec une tranquillité suprême (n’inspirera-t-il pas Blofeld dans Opération Tonnerre de Terence Young en 1965 ?). Plus machiavélique tu meurs. Les autres rôles sont plus discrets ou les acteurs moins marquants. June Allyson est un peu fade mais il faut croire que cela convient au personnage (elle nous convainc mieux en interprétant Jo dans Les quatre filles du Dr March de LeRoy en 1949). Dans les costumes très colorés des mousquetaires, Van Heflin, Gig Young, Robert Coote sont très convenables. Keenan Wynn qui joue Planchet amuse même si on le préfère dans le double rôle qui lui est réservé dans Mariage royal de Stalney Donen (1950). Dans sa longue filmographie, Wynn retrouvera Sidney à plusieurs reprises.

On apprend dans la biographie qu’Alain Masson consacre à Gene Kelly (Gallimard, 2012) qu’il avait pris des leçons d’escrime auprès de Jean Heremans (« virtuose belge, qui deviendra ensuite conseiller technique, cascadeur et acteur »). Kelly avait vu tout ce que le duel à l’épée et le ballet avaient en commun (« le pied, par exemple, doit toujours être tourné vers l’extérieur ; les règles des deux arts n’ont-elles pas été formulées en même temps, pour la cour de Louis XIV ? »). Il ne pouvait qu’exceller dans le maniement du fleuret et faire danser ses combats comme jamais cela n’avait été vu (« il plonge, bondit, virevolte, se renverse en bascule »). Sa manière n’a rien d’académique mais est en tout point fascinante. Kelly encouragé par cette expérience aurait voulu lancer les studios (la MGM) dans une adaptation de Cyrano de Bergerac. Ces derniers refusèrent. Stanley Donen et lui enchaînèrent alors avec autre projet qui les entraîna sur un tout autre terrain avec Match d’amour (Take Me Out to the Ball Game) réalisé par Busby Berkeley en 1949.

RSS
Follow by Email
Twitter
Visit Us

3 commentaires à propos de “Les Trois Mousquetaires”

  1. Ah… Je l’aime bien ce classique avec Gene Kelly !
    Pour ce qui est de la scène du chat, personnellement j’ai pensé au film Le Parrain (Coppola, 1972), scène où Marlon Brando a la même attitude 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*