Fifi

Jeanne Aslan et Paul Saintillan, 2023 (France)

Jeanne Aslan et Paul Saintillan signent un premier film touchant, une réussite ensoleillée avec deux acteurs, Céleste Brunnquell et Quentin Dolmaire, qui forment un très beau duo.

Fifi a l’habitude de se débrouiller (c’est Céleste Brunnquell). Elle a 16 ans, se trouve dans une famille qu’on imagine être des gitans sédentarisés, et n’a pas grand chose à elle. Alors quand elle peut, elle prend. Elle prend un paquet de cigarettes ou deux dans le dos de la buraliste ou un bain moussant clandestin dans une villa tout confort en l’absence des propriétaires. Fifi cherche du temps pour elle, loin du tapage constant à supporter au sein d’une famille où le sens des responsabilités parentales s’est en partie étiolé puis a fini par retomber en lambeaux sur les épaules d’une grande sœur qui, à l’instar de Fifi, fait aussi ce qu’elle peut.

Les réalisateurs et scénaristes organisent une jolie rencontre entre Fifi et Stéphane (Quentin Dolmaire que l’on appréciait déjà dans Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin, 2014). Même s’ils ruinent mutuellement leurs projets initiaux, après avoir pris le temps de s’apprivoiser, l’ado et l’étudiant finissent par gagner en complicité. Fifi et Stéphane sont de milieux différents (HLM du quartier du Haut-du-Lièvre et banlieue aisée de Nancy), mais l’un en compagnie de l’autre, ils trouvent un troisième espace à eux (un salon, une terrasse, une fantaisie de Schubert) où les milieux sociaux et les soi-disant territoires d’appartenance n’ont pas d’importance. Fifi et Stéphane se trouvent ensemble sans vraiment l’être, le temps d’un été, celui d’un temps de relâche où l’on se laisse aller sans vraiment réfléchir, le moment d’une possible prise de conscience et du Rappel des oiseaux par Jean-Philippe Rameau.

On retient plusieurs scènes : les tours en vélo quasi aériens, plusieurs échanges entre les comédiens, comme sur ce bord de rivière façon Rohmer, ou lors de cette invitation dans une autre maison du voisinage avec piscine et ping-pong (et un drôlatique Laurent Poitrenaux). Là, Fifi goûte à la vie en famille bourgeoise durant un après-midi. Sans jugement, elle prend. Sans question, elle est acceptée. Plus loin, je trouve généreux cette discussion entre Stéphane et la mère de Fifi alors qu’il vient la voir chez elle mais ne la trouve pas. Chacun va sur le sol de l’autre spontanément, sans rien à craindre, avec tout à y gagner. La musique convoque parfois ce désir d’ailleurs (une chanson en créole de Mélissa Laveaux et une autre des Somaliens de Bakaka Band). Dans la dernière scène, très belle, Fifi prend son petit frère et sa petite sœur avec elle pour le plaisir d’une sortie. Elle découvre avec eux un autre espace, un plus large horizon.

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