Zombi Child

Bertrand Bonello, 2019 (France)

Dans Zombi Child, il y a deux films. Malheureusement un des deux est hors-sujet. Bertrand Bonello a voulu s’intéresser à Haïti et à la culture vaudou. Il termine même son film par des panneaux d’informations qui concernent le nombre de zombis qui errent chaque année plus nombreux dans l’île des Caraïbes. Cependant, ces panneaux arrivent un peu bizarrement en conclusion, notamment parce que rien ne tient vraiment du documentaire ou de l’étude sociale dans cette fiction. C’est un peu comme si le réalisateur, qui a recours en vrac au montage parallèle et donc à un certain symbolisme, mais aussi à un cours théorique sur l’héritage révolutionnaire dispensé par un médiéviste, ainsi qu’au film de genre, voire à la parabole, avait voulu rattraper in extremis son sujet.

Zombi Child veut mettre en relation des temps différents à travers le récit aujourd’hui de lycéennes du pensionnat de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur à Saint-Denis et celui du grand-père de l’une d’elle entre 1960 et 1980 en Haïti. Parmi les filles, il y a Fanny (Louise Labèque) et ses histoires de cœur avec Pablo qui ne peuvent pas être plus à côté du film. En revanche, ce que l’on sait de Mélissa (Wislanda Louimat) s’accorde davantage avec le récit haïtien, mais son personnage crée un lien artificiel et livre à la fin des explications sur Haïti qui s’avèrent assez inutiles.

Mais qu’est-ce que Zombi Child dit au juste de cette relation entre la France et Haïti ? On apprend que les parents de Mélissa ont disparu dans le dernier tremblement de terre survenu dans l’île (probablement le séisme de 2010) et que la fillette a été recueillie par sa tante en France. On apprend aussi que sa mère a obtenu la Légion d’honneur en travaillant sur les méfaits commis durant la dictature de Duvalier. Du côté de la France, l’école de la Légion d’honneur permet l’évocation de valeurs du pays. Elle trace encore un lien entre Napoléon (puisque l’école a été fondée durant le Premier Empire) et Haïti (l’indépendance est proclamée quelques mois avant que Napoléon ne soit sacré empereur). Mais le tout placé dans un creuset et écrasé à la façon des sorciers vaudous ne donne pas grand chose de très cohérent. Bertrand Bonello veut certainement rappeler le passé colonial de la France et traiter du lien politique entretenu entre l’ancienne métropole et Haïti. Mais s’il dépasse l’évidence de l’abandon d’Haïti par la France, le propos reste incompréhensible. D’ailleurs, la reprise de rites anciens pour traiter une amourette déçue mise en parallèle avec une cérémonie se rapportant à un zombi des cannes à sucre finit de nous perdre.

Bonello se rêve Au pays des mages noirs, mais son travail est loin de la singularité et de la puissance des Maîtres fous de Rouch (1955). Zombi Child ne se vide pas totalement non plus. Il reste une entrée en matière assez saisissante avec un assassinat par la magie d’une efficacité redoutable. Le zombi lui-même replacé dans sa propre culture et associé au personnage de l’esclave préserve le film des clichés du genre. On peut encore évoquer les belles images dans le pensionnat la nuit ou dans les rues de Port-au-Prince. On peut retenir aussi la terreur répandue par Boucheron dans une courte scène sans importance, le médiéviste revenu soudain pour une interro surprise de deux heures.

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