Les vieux chats

Sebastián Silva et Pedro Peirano, 2011 (Chili)

ENTRE SA FILLE ET SA FOLIE

La dérive d’une octogénaire confrontée à une fille abusive et cocaïnomane, dans le huis clos d’un appartement bourgeois, à Santiago du Chili.

Un dialogue avec un interlocuteur absent, imaginé par une dame ridée, d’un calme inquiétant. Elle laisse l’eau du robinet couler à flot, déborder de l’évier et inonder la salle de bain. Dans le miroir, un coup d’œil insouciant sur ce déluge se transforme vite en un regard surpris, terrifié, perdu. Isidora perd régulièrement le contact avec la réalité et nous transporte dans un univers onirique, étrange et mystérieux. Voilà comment Sebastián Silva et Pedro Peirano présentent le personnage principal des Vieux chats.

GUERRE FROIDE ENTRE MÈRE ET FILLE
L’atmosphère est tendue entre ces deux femmes, totalement opposées. Une mère lente, calme, influençable, face à une fille impulsive, autoritaire et manipulatrice. La relation fait des étincelles, aussitôt étouffées pour nier le problème familial. La guerre froide commence lorsque Rosario, sa fille, débarque bruyamment dans l’appartement silencieux, territoire tranquille d’Isidora et de ses vieux chats. Précis, le jeu des acteurs traduit cette ambiance conflictuelle.

Pas de furieuses disputes dans ce décor surchargé de bibelots, juste une tension continue, fondée sur les non-dits, exprimée par des gestes, des silences, des petites piques qui s’échappent dans certaines répliques. Emprisonnée dans l’appartement du huitième étage privé d’ascenseur, Isidora ne peut échapper à sa fille volcanique qui lui reproche son manque d’affection et de confiance maternelles.

INSTANTS DE FOLIE, INSTANTS DE POÉSIE
Les seules évasions d’Isidora, perdue dans la réalité et désemparée par Rosario, sont ses absences, effet probable d’une maladie d’Alzheimer. Pourtant, ces moments d’égarement ne font que renforcer sa perte de repères. Ces dérapages emportent le spectateur dans un univers étrange et donnent une touche de magie et d’onirisme au film. Ces scènes hors du temps et de la réalité baignent dans un fond sonore cotonneux. Les mystères des temps de défaillance d’Isidora suscitent une agréable fascination : à qui parle-t-elle ? Et pourquoi cette attirance récurrente pour l’eau ?

Le contraste entre les personnalités de la mère, réservée, et de la fille, excessive, amuse par leur décalage troublant. Les scènes où elles se confrontent sont fortes en émotions, comiques ou dramatiques, en fonction du degré de l’affrontement. Les vieux chats séduit par son habileté à transformer la simple journée d’une vieille femme en une histoire intrigante et mouvementée. Il lui reste peu de repères. Outre son compagnon Enrique, elle peut compter sur ses deux vieux chats, qu’elle caresse frénétiquement.


Mathilde Pichot, pour Preview,
en partenariat avec La Kinopithèque pour la 33e édition du Festival des 3 Continents

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2 commentaires à propos de “Les vieux chats”

  1. Bonsoir, j’aurais tant voulu aimé plus ce film mais le personnage de la fille m’a paru caricatural. Dès que je l’ai vue, elle m’a énervée et cela m’a gâché le film. Dommage. Bonne soirée.

  2. « Pas de furieuses disputes dans ce décor surchargé de bibelots »

    hum… avant la fugue de la mère, lors d’un moment d’égarement, ça clash quand même relativement fort, au point qu’une violente claque est donnée par la fille. Sans compter les montées au créneau qui reviennent quelques fois.

    Sinon, review sympa.

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