I vampiri

Riccardo Freda, 1956 (Italie)

De jeunes filles disparaissent et sont retrouvées exsangues, baignant dans la Seine pour la dernière d’entre elles. La police suit la piste du tueur en série que tous appellent « le vampire ». Le journaliste Pierre Lantin, incarné par le pâle Dario Michaelis, aussi. Les doutes se tournent bientôt vers l’austère château de la duchesse du Grand. Sans être non plus comparables aux agiles criminels de la série de Louis Feuillade (Les vampires, 1915), i vampiri rencontrés dans cette histoire n’ont pas l’apparence convenue. Les marques laissées sur les corps des victimes ne sont pas celles de crocs mais celles des aiguilles nécessaires aux transfusions faites par le Dr. Julien du Grand (Antoine Balpêtré). Pourquoi ce sang ? Parce qu’il est source de jeunesse pour la vieille aristocrate ! Comme la comtesse Bathory quelques siècles auparavant, la duchesse du Grand (Gianna Maria Canale), avec l’aide du médecin expérimentant dans un laboratoire encombré de vases et de cornues, est en quête d’un remède miraculeux capable de préserver le corps des morsures du temps.

Le générique trompeur nous dit que la photographie a été confiée à Mario Bava. Bien davantage en vérité. Bien qu’il n’ait pas encore signé ses propres œuvres [1], il rend service aux studios à plusieurs reprises en achevant des projets de cinéastes lassés ou fâchés (La bataille de Marathon, Jacques Tourneur, 1959, Caltiki, le monstre immortel, Freda, la même année). Bava a donc aussi tourné les derniers plans dei vampiri et, après la démission de Freda, de bout en bout reconstruit le film [2]. En noir et blanc, photographie et décors présentent en alternance les ambiances de rue d’un Paris en studio (duquel certains comme Jocelyn Manchec savent voir une « résonance » urbaine au néoréalisme italien [3]) et les vastes salles d’un château dont l’architecture pourrait avoir été décrite par Edgar Allan Poe (La chute de la maison Usher, 1839) ou Théophile Gauthier (le palais de Clarimonde dans La morte amoureuse, 1836). A l’image de sa propriétaire, la demeure n’est plus que le vestige d’une grandeur passée. Ses vieilles pierres enserrent de poussiéreux secrets gardés par les démons sculptés sur les bas-reliefs, eux-mêmes avertissant de la monstruosité de la duchesse (« Dominerò l’inferno »).

Alors que le neoréalisme en Italie s’est doucement éteint (Umberto D. de Vittorio de Sica ou Voyage en Italie de Rossellini sortent en 1952), Freda et Bava par une rénovation du mythe du vampire brisent l’interdit fasciste concernant les productions fantastiques du cinéma italien. Intrigue neuve à l’époque, effets spéciaux discrets, travail minutieux sur les lumières, cette réalisation constitue un lien parfait entre les vampires de la Universal (La maison de Dracula, Erle C. Kenton, 1945) et ceux qui leur succèderont à la Hammer (Le cauchemar de Dracula, Terence Fisher, 1958). Après guerre et pour quelques décennies, le vampire dominant traverse l’océan et redevient européen.

[1] Le remarquable Masque du démon et La ruée des Vikings, ses deux premiers métrages, paraissent en 1961.
[2] Selon la fiche du film sur le site de Carlotta. Et sur ce que l’on doit à l’un ou à l’autre des réalisateurs dans ce film, lire ce qu’en écrit Otis B. Driftwood dans son article pour Dvdclassik.
[3] Voir son point de vue sur le dvd des Vampires de Freda et Bava publié en juin 2009 sur Kinok.

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