Une femme est une femme

Jean-Luc Godard, 1961 (France)

« LIGHT ! CAMERA ! ACTION ! »
En off, les premiers mots sont de Michel Legrand qui demande à l’équipe de se presser et de se mettre en place. Le générique affiche en grand sur l’écran et de la couleur des néons qui sont sur les façades des théâtres de Broadway les noms GODARD, LEGRAND, BRIALY, KARINA, BELMONDO. Une présentation du film est affichée en alternance : « Il était une fois », « Comédie », « Théâtre »… Les mots qui suivent après que Legrand demande le « la », sont ceux de Anna Karina : « Light ! Camera ! Action ! ». Ce début promet une suite joyeuse et toute en référence au cinéma, ce qu’elle est.

BRIALY, KARINA, BELMONDO
Chez un marchand de journaux, Angela (Anna Karina qui a déjà tourné à cette époque pour Eric Rohmer, Présentation ou Charlotte et son steak, 1960, et pour Agnès Varda, Les fiancés du pont Mac Donald, 1961) feuillette une revue dont le titre pourrait être J’attends un enfant. Emile, au rayon voisin, comme une réponse faite à sa petite amie, conseille La belle au bois dormant à deux marmots qui déjà grommellent de ne rien trouver de plus sexy. Mademoiselle veut un enfant. Lui pas. L’idée amusante d’un échange de mots par livres interposés est développée plus loin alors que les deux jeunes amants se font la moue. Valorisation de l’image ? Lointaine évocation des origines d’un cinéma muet à ses débuts ? De même, au cabaret, le lieu de travail d’Angela, un numéro d’habillage / déshabillage évoque la magie cinématographique pratiquée par Méliès. Avec son pull-over rouge, la stripteaseuse Angela est objet de désir. Angela attise la convoitise d’Alfred Lubitsch (Jean-Paul Belmondo) qui la suit et caracole autour. Dans un troquet, Alfred tente de rendre jalouse Angela avec une photo d’Emile échangeant avec une inconnue. Cela l’attriste. Elle est cadrée en gros plan et l’électrophone du café passe Tu t’laisses aller d’Aznavour. La scène est tout à fait jolie.

LA FEMME DÉFINIE
La définition de Godard est datée. La femme est désirée, oui. Elle est également aux fourneaux (elle en brûle son rôti) pendant que le compagnon lit le journal ou écoute le sport à la radio. Elle, c’est Marie-Claire, lui, c’est L’Equipe. En outre, ce qui apparaît comme un caprice pour Emile, le désir d’être mère, est une priorité absolue pour Angela. Dissimulée, la jeune femme se sert du courtisan pour mieux piéger le prétendant. Le stratagème est digne d’une tragédie de théâtre mais la légèreté de l’ensemble et les ressorts narratifs font du film une comédie ; musicale, presque. Michel Legrand compose une musique cuivrée, claquante et heureuse qui, se glissant parfois derrière les dialogues, les double et les souligne (Astaire et Kelly sont même de la partie). C’est un lieu commun que de citer les dernières paroles du film, mais comment y résister. Emile et Angela sont au lit. Elle est satisfaite, lui réagit et lance :

– « Angela, tu es infâme !
– Non, je suis une femme ».

Une femme est une femme exerce toujours une forte séduction (la sémillante Anna Karina n’y est pas pour rien), sa liberté de ton, ses effets de style, qui tous offrent un cadre possible vers une réflexion nouvelle, ainsi que son amour déclaré du cinéma, américain en particulier, en font une des perles brillantes de la Nouvelle Vague. En 1961, le Festival de cinéma de Berlin le récompense du prix de la meilleure actrice et du prix spécial.

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2 commentaires à propos de “Une femme est une femme”

  1. Comme toi, j’aime bien ce Godard espiègle et plein de vie, illuminé par Anna Karina. Il y a plein d’idées de mise en scène. Il était joyeux et amoureux alors, c’était la période d’avant le ronchon révolutionnaire énervé. Et c’est vrai qu’on ne se lasse pas de citer le dialogue final.

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