The Witch (The VVitch: a New-England folktale)

Robert Eggers, 2015 (États-Unis, Canada)

¡LINDA MAESTRA !

On ne peut pas retirer leur pouvoir à certaines images. Les paysages sépias, hors les palissades, wilderness resurgissant des ténèbres médiévales et à laquelle les colons de la Nouvelle-Angleterre se retrouvent confrontés. La chaumière du fond des bois où la sorcière attend ; femme belle de toute sa laideur, capeline rouge sur le dos et charmes assurés. Le sabbat final comme une copie du Vol des sorcières de Goya (1797-1798).

Le havre de paix recherché par la famille du fermier William et de sa femme (Ralph Ineson et Kate Dickie) n’est qu’une clairière au centre de laquelle trône la bête que les jumeaux nomment Black Philip. La modeste habitation, ses petits enclos à animaux et son champ d’épis noircis sont des fragments rapportés de la civilisation qui dépérissent dans un espace devenu propice au dégorgement du mal. Avant de verser leur fiel de désespoir, les trois enfants de William se racontent d’abord des histoires. La pomme rouge, la vieille femme et le lièvre, aperçus dans l’imagier que constitue The witch, en sont moins des motifs pour contes d’enfants que les vecteurs de la consumation familiale. Ces détails qui tissent des liens avec la tradition des contes (même si la pomme des Grimm est plus tardive) participent un peu à l’intérêt que peut susciter la sorcière d’Eggers.

Mais c’est surtout le déplacement de la sorcière aux origines de la colonisation nord-américaine qui donne son prétexte au film (les années 1630). Robert Eggers est lui-même un enfant du Massachusetts. Il connaît bien le procès des sorcières de Salem (on note ici que le film s’ouvre devant les juges d’une communauté). Un carton annonce que The witch s’inspire de sources et notamment de dialogues véritables. On imagine que le réalisateur est allé chercher cela dans les comptes rendus de procès et peut-être d’autres témoignages de l’époque. Au XIXe siècle, Walter Scott dans sa Démonologie, qui il est vrai traite surtout de l’Écosse et de l’Angleterre, rapporte néanmoins quelques anecdotes sur ces calvinistes et autres indépendants du Nouveau Monde disposés à craindre le diable « s’alliant aux devins et aux sorciers pour faire périr et tourmenter les enfants ».

Finalement prête à embrasser le bouc, l’aînée du coupeur de bois, Thomasin (Anya Taylor-Joy dans un rôle déjà un peu splitté), succombera totalement à Baphomet. Rien ni personne n’est sauvé du mal. Le Malin est plus malin. Même s’il n’est pas parvenu à imposer à son producteur un tournage sur pellicule et à conférer donc au film le grain souhaité, le production designer qu’a été Eggers soigne parfaitement ses images. On cherchera un temps l’analogie et les correspondances possibles. On ne trouvera toutefois rien de plus derrière le travail photographique qu’un peu d’effroi. Après l’établissement manqué des puritains et le vol cauteleux des démoniaques et des impies, tout redevient friche : un territoire à reconquérir.

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4 commentaires à propos de “The Witch (The VVitch: a New-England folktale)”

  1. Tu as donc fait aussi le voyage au pays des sorciers, rebouteux et magiciennes de la Nouvelle-Angleterre, période obscure de la construction d’un pays explorant sa part sauvage.
    Je te sens sur la réserve in fine, le black sabbath t’aurait il rendu paranoïd ?
    C’est quoiqu’il en soit une fort belle évocation que tu donnes à lire, prolongeant l’imaginaire vers une œuvre de Goya qui m’avait échappé.

    • Goya ou Scott, je crains que mes références ne soient trop tardives pour répondre convenablement au XVIIe de Eggers. Quoique ses propres représentations aient sûrement aussi été influencées par le XIXe.

      Et oui, je suis resté distant. Le travail plastique n’a pas suffi cette fois à me faire aimer le film. J’ai préféré les sorcières islandaises aux sorcières de la Nouvelle Angleterre.

    • Tu cites Black death (Smith, 2011) dans ton propre article. C’est vrai, The witch y ressemble par certains aspects : pour son réalisme, cette idée du mal qui se répand partout, et finalement aussi pour son côté peu « aimable ».

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