The Truman Show

Peter Weir, 1998 (États-Unis)

Ouvrant une fenêtre sur la vie d’un homme à son insu, The Truman Show traite des dérives de la télévision. Le scénario qu’Andrew Niccol imagine est un cauchemar : Truman Burbank (Jim Carrey) est dès sa naissance devenu la propriété d’une entreprise de production télévisée. La vie de Truman est entièrement scénarisée à ses dépends, totalement artificialisée et commercialisée sans que cela pose aucun problème d’éthique aux producteurs (et en premier lieu au personnage d’Ed Harris qui s’affiche en créateur tout puissant), et ainsi empaquetée, voilà l’émission diffusée à la télé 24 heures sur 24 disponible en direct pour les spectateurs du monde entier et cela pour la durée de vie du personnage principal.

Tout voir et ne rien voir. À la fin des années 1990, The Truman Show annonce la télé-réalité qui succède bientôt aux reality shows aux États-Unis, comme partout dans le monde. Le film annonce non seulement le succès public de la télé-réalité, sa manne financière (à coup de placements de produits par exemple), ainsi que son influence sur toutes les créations audiovisuelles, aussi bien fictions que documentaires ; genres, d’ailleurs, entre lesquels la production du Truman Show ne saurait choisir.

Rien que le nom du personnage est un oxymore. « Truman Burbank » pourrait se traduire par « l’homme véritable de Burbank », sachant que Burbank est une ville dans la proche banlieue de Los Angeles (connue notamment pour abriter les studios Disney, la Warner ou la chaîne de divertissement Nickelodeon), l’association de ce prénom à ce patronyme combinent les opposés : le véritable (l’homme du quotidien, « réel » et « innocent ») et un monde factice (L.A., ses studios de cinéma, son industrie du rêve… ses mensonges).

The Truman Show, Total Recall (Paul Verhoeven, 1990), Dark City (Alex Proyas, 1998), Matrix, (Lana et Lilly Wachowski, 1999), dans les années 1990, plusieurs grosses productions américaines répètent la même idée : la vie vécue n’est pas réelle. Le quotidien que l’on nous sert est fictif et aux héros de ces histoires de trouver un échappatoire à la prison de mensonges qui les enferme (que cette prison soit réalité virtuelle, ville close sur elle-même ou labyrinthe cérébral). Peut-être n’est-ce qu’une impression de ma part, car il est vrai que ces films m’ont marqué plus jeune. Peut-être pourrait-on aussi donner d’autres exemples de films réalisés en dehors de cette décennie et proches par leur récit des productions citées. Toutefois, dans son essai, Mythes et idéologie du cinéma américain (Vendémiaire, 2012), Laurent Aknin caresse cette idée du faux semblant développé par la machinerie hollywoodienne dans les années 1990. Ce ne sont que quelques films que je cite mais on est tenté de se demander si ces mondes idéaux, composés, dans lesquels évoluent les personnages au début de ces histoires ne trouvent pas une correspondance avec le discours politique américain servi entre 1991 et 2001 : les États-Unis devenus la superpuissance incontestée après la chute de l’Union soviétique, un mythe que finalement Truman, Hauser, John Murdoch et Neo ne se sont pas laisser conter.

2 commentaires à propos de “The Truman Show”

  1. Hello Benjamin ! Non tu n’est pas seul, ce trio de la fin des années 90 (Truman / Dark City / Matrix, auquel on peut rajouter Ouvre les yeux dans la même période, et sans doute Existenz aussi même si je ne l’ai pas vu) m’a souvent interrogé. D’autant plus si on considère que ça ouvre la voix à une série de films dont la-fin-est-en-fait-rêvée (qu’on retrouve beaucoup chez Spielberg la décennie suivante, de A.I. à La Guerre des mondes, en passant par Minority Report). La mode était clairement à l’impression de ne plus pouvoir faire confiance à rien.

    À certains moments, et pour reprendre ce dont parlait littéralement Matrix, je me demande si c’était pas un moyen de parler d’internet, ou du moins d’y réagir inconsciemment : un deuxième monde qui nous finirait par nous cacher le réal, une réalité virtuelle (à laquelle on croyait beaucoup durant ces années). Mais ça ne colle pas avec tout. Maintenant, je me demande si c’est pas plutôt une réaction au numérique et aux effets spéciaux, à la disparition de l’image comme preuve, à l’impression que tout peut être transformé/retouché/manipulé…

    Et bien vu pour le nom de Truman, j’y avais jamais fait attention !

  2. Salut Tom, content de te lire à nouveau. Je te suis quand tu contextualises avec l’arrivée d’Internet bien sûr, et même sur la possible réaction à la CGI submergeant progressivement tout le reste à cette époque. Tu complètes bien de ces explications culturelles et quasi réflexives la piste politique évoquée.

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