Tao hua qi xue ji (The peach girl)

Bu Wancang, 1931 (Chine)

PORTRAIT EN PROFONDEUR DE LA SOCIÉTÉ CHINOISE

Sorti en 1931, Tao hua qi xue ji (The peach girl en anglais) est un film muet réalisé par le Chinois Bu Wancang. C’est en plein cœur de la société chinoise des années 1930 que se déroule l’intrigue ; une étude sociologique qui mêle tragédie et émotion et parvient à dénoncer les travers de la Chine de l’époque. Cette réalisation s’inscrit dans l’étroite lignée des films muets des années 1930 à la manière de La ruée vers l’or (1925) ou des Temps modernes de Chaplin (1936). La particularité du film tient au fait qu’il ne dispose d’aucune bande son. Visuellement, le film accuse le poids des années même si la poésie des plans et la richesse des personnages réussissent à pallier un manque d’artifices visuels et sonores. Comme Charlie Chaplin, Bu Wancang n’hésite pas à confronter plusieurs aspects de la société en mettant en exergue subtilement les carences et inégalités sociales de son pays.

LA SPHÈRE FAMILIALE, NŒUD DE L’INTRIGUE
Dès les premières minutes, le film introduit avec sobriété le cadre social de l’époque. Le spectateur est confronté à une famille de la campagne chinoise qui accueille pour la première fois un heureux événement. Dès lors, le réalisateur nous fait suivre la vie de la petite fille de sa jeunesse à l’âge adulte. C’est la rencontre, à l’âge de cinq ans entre Miss Lim (Lingyu Ruan) et King Teh-en (Yan Jin) qui va marquer le début de la démonstration. À travers une histoire d’amour somme toute banale, Bu Wancang aborde les thèmes de la stratification sociale, mais aussi la dimension traditionaliste de l’époque.

La symbolique des plans et des images est aussi un des enjeux importants de ce film social. Différentes thématiques sont traitées et chacune d’entre elles rapportent une vision de la société. Les costumes traditionnels, malgré le noir et blanc, font la part belle à l’esthétique de l’époque. Le folklore et la tradition qu’inspirent l’habillement permettent un ancrage du récit dans son temps. Tout d’abord, la sphère familiale semble être le nœud de l’intrigue, mais en traçant le portrait de deux familles si contrastées, le cinéaste oppose en réalité deux strates de la société chinoise.

PERSONNIFICATION DE L’ARBRE
La figure de l’arbre, très présente dans le long métrage de Bu Wancang symbolise le destin de la jeune héroïne. Le chêne est le double métaphorique de la vie de Miss Lim. Lorsque celle-ci est heureuse, l’arbre fleurit ; à l’inverse il se meurt lorsque l’héroïne est mise à mal tant par des aléas familiaux que de santé. La nature dans le film personnifie très souvent la liberté. La sociologie de la Chine des années 1930 y est habilement retranscrite via une réutilisation du mythe grec de Pyrame et Thisbé.

Si le film réussit à convaincre, c’est avant tout grâce au jeu d’acteur des protagonistes, notamment Yan Jin dans le rôle du fils d’un roturier. La finesse et l’expressivité de son personnage donne au film une toute autre dimension. La complicité entre les deux héros bouleverse autant qu’elle ravit et la richesse d’interprétation réussit à suppléer l’absence de son. Fort de cette particularité, Tao hua qi xue ji gagne le pari de démontrer que le message peut ne passer que par l’image.

François Boulard pour la 35e édition du Festival des 3 Continents

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