Supa Modo

Likarion Wainaina, 2018 (Kenya, Allemagne)

Dans ses discussions la petite Jo (Stycie Waweru) assure ses amis de la supériorité de Jackie Chan sur Jet Li et de celle de Superman sur Iron Man. Sourire jusqu’aux oreilles et les yeux grand ouverts, face aux aventures de ses héros favoris, au cinéma de quartier ou ailleurs lors de séances improvisées, elle avale l’écran complètement transportée. Dans tous ses rêves, devenue super fillette, avec sa cape et son masque, elle jette même ses super-pouvoirs contre les super-méchants de village. Jo pourrait avoir d’autres préoccupations, celles de l’école, les soucis de sa mère et sa propre maladie… Elle ne rêve pourtant que de super-pouvoirs et principalement de voler. Elle veut y croire… mais n’en garde pas moins la tête sur les épaules.

A Maweni, au sud du Kenya, sa mère Kathryn (Marrianne Nungo) a décidé de garder Joanna avec elle plutôt que de la laisser à l’hôpital, et de préférence à la maison plutôt qu’à l’extérieur, tandis que sa sœur (Nyawara Ndambia) l’invite au contraire à sortir en douce et lui ouvre les champs de l’imaginaire. Tout le film de Likarion Wainaina, dont c’est le premier long métrage, porte sur la question de l’enchantement nécessaire du monde pour un enfant qui ne va jamais connaître l’âge adulte. Le film est plein d’optimisme et sans ignorer le drame, jamais il ne perd de sa fantaisie. La poupée de chiffon brandie (et non pas le jouet plastique Disney ou Mattel) la fillette, qui joue dans son jardin, nous fait penser au gosse du tout premier plan du Green Hornet de Michel Gondry (2011). Et lorsque dans Supa Modo, il s’agit de fabriquer un film de super-héros avec les moyens du bord, on se dit que l’ingéniosité des trucages et de la méthode sont en tout point comparables à celles de Soyez sympas, rembobinez (2008). Le cinéma se partage et avec cette scène finale, la communauté rassemblée devant une toile tendue pour une projection organisée du film dans le film, Gondry ne pourrait qu’apprécier.

Supa Modo intéresse aussi pour montrer la réalité d’un village kenyan avec son marché, ses boutiques en tout genre, son cinéma aménagé… Les infrastructures manquent certainement mais la vie est loin d’y être pauvre ou misérable. De même, le film montre un « conseil municipal » (de notables ?) ainsi que le métier de sage-femme qui est exercé par la mère de Jo. Bref, des images neuves pour ce territoire (le film a été tourné près de Nairobi, entre villages et montagnes, peut-être à Ngong Hills). Supa Modo est touchant, généreux et enthousiasmant. Likarion Wainaina croit au cinéma et à sa transcendance, à la mémoire qu’il porte, au bien qu’il fait. Alors Jo super-héroïne super attachante plus forte que Black Panther (Coogler, 2018) et que n’importe quel X-Men, c’est sûr.

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