Sopro

Marcos Pimentel, 2013 (Brésil)

LA VIE TOUT SIMPLEMENT

De l’immensité des forêts brésiliennes, au microcosme d’un village rural, Sopro est suspendu entre l’onirisme des paysages et la réalité brute du quotidien. Portrait d’un Brésil dans toute son humanité.

Nichée au cœur d’une communauté d’agriculteurs, la caméra de Marcos Pimentel explore la vie, la mort, l’enfance, la nature, dans un seul et même documentaire, à la fois déroutant, touchant, et parfois violent. Une violence que l’on perçoit dès le début de cette introspection au cœur du Brésil, quand un gros plan se fixe sur une carcasse saignante, autour de laquelle, chiens sauvages et autres carnassiers improvisent un festin. Une tête de vache morte, et toujours le souffle du vent en guise de bande son. La nature se plante, là, devant nos yeux, immense, impénétrable, tantôt silencieuse, tantôt hurlante. Et ce vent omniprésent, seul narrateur du film. Le vent, le souffle, celui de la vie ? Celui de la nature ? Un fil rouge auquel on s’accroche pour partir à la rencontre d’hommes et femmes, vivant humblement dans une ferme, vivant aux caprices de la nature et au rythme du labeur quotidien.

UNE CAMERA DISCRÈTE
Pimentel alterne les plans larges de la forêt et les gros plans intimistes. Des zooms scrutant la moindre ride d’une vieille femme, le moindre sourire ou regard des enfants chahutant dans les plaines. L’intrusion de la caméra se fait discrète et on pourrait presque croire observer ces hommes à leur insu. Jusqu’à ce que l’un d’entre eux nous fixe. Sans haine, sans étonnement, non plus, juste un regard franc et direct, qui, à lui seul, donne toute sa dimension poétique et percutante au documentaire. Une succession de plans fixes confond le rythme de la vie des villageois à celui de la nature, tous deux en totale osmose. Le quotidien de la ferme se cale sur les saisons, le temps. La mort précède les naissances et on se laisse bercer par la lenteur des plans s’attardant parfois sur des mains en train de travailler, le bois, la terre, sur des lumières filtrant à travers une fenêtre, un toit percé, ou sur les flammes d’une bougie aussi vacillantes et incertaines que celles de l’existence.

L’OBSERVATOIRE DU QUOTIDIEN
Pimentel esquisse à l’écran le tableau de la vie dans toute sa simplicité et dans toute son authenticité. Dans ce grand observatoire du quotidien, le chant des oiseaux laisse place aux ablutions matinales d’un vieil homme, puis aux jeux innocents d’enfants. Pas de paroles ou presque pas, pas de musique sauf celle d’une fête de village. Parti pris d’un réalisateur qui fait preuve d’un certain radicalisme, défiant les lois du documentaire. Les plans quasiment silencieux qui se succèdent composent à eux seuls la trame narrative. Sopro est une vision libre d’une tranche de vie, bien au-delà d’un film informatif ou condescendant, donnant à voir les « petites gens ».

Céline Gardet la 35e édition du Festival des 3 Continents

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