Qu’un seul tienne et les autres suivront

Léa Fehner, 2009 (France)

Il est des titres qui sont plus que des mots sur une affiche. Comme De battre mon cœur s’est arrêté (Jacques Audiard, 2004) ou Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés (M.-A. Roudil, S. Bruneau, 2006), Qu’un seul tienne et les autres suivront possède une puissance d’évocation qui dépasse l’œuvre. C’est le beau titre de la première réalisation de Léa Fehner.

Trois histoires qu’emmêle un montage alterné et dont les dénouements, dans l’avant-dernière scène, prennent un parloir de prison pour décor commun. Même si tous s’y déplacent avec d’inégales envies, la prison bizarrement est un lieu qui attire, le pôle du film. Une Algérienne (Farida Rahouadj) s’y rend pour voir et comprendre l’amant meurtrier de son fils. Une adolescente de seize ans (Pauline Etienne) vient retrouver son copain, vagabond revêche (Vincent Rottiers). Un galérien social (Reda Kateb) décide de se faire enfermer contre de l’argent après avoir accepté un arrangement de criminels. La salle du parloir est aussi un sas, un espace de rencontre entre l’extérieur et l’intérieur de la prison, celui nécessaire pour que les gens, aussi bien d’un côté que de l’autre, « tiennent » durant l’exclusion décidée par la justice.

Le monde construit autour de ces histoires écarte les enfants de leurs parents : un fils mort, l’adolescente plongée dans l’amertume des adultes et bientôt enceinte, le troisième plus âgé en conflit avec sa mère à cause de sa situation. Enfin, deux enfants vus derrière une vitre par une mère qui jamais dans le film ne les étreint ou même ne les touche. Sans négliger l’espace dans lequel ils évoluent, la réalisation est proche des individus lorsqu’ils se battent, s’embrassent, se scrutent (gros plans, caresses de la caméra). Contrairement aux enfants, avec qui Léa Fehner interdit tout contact, le spectateur est tout à côté des personnages.

On pense à Luc et Jean-Pierre Dardenne (Le silence de Lorna, 2008, L’enfant, 2005, Rosetta, 1999 ; une comparaison possible entre Emilie Dequenne et Pauline Etienne ?). On pense à Jacques Audiard (Reda Kateb est aussi présent dans la prison d’Un prophète, 2009). Léa Fehner est une jeune réalisatrice (toulousaine !) prometteuse. A suivre.

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