Paris qui dort ou Le Rayon diabolique

René Clair, 1925 (France)

Le rayon X est découvert en 1895, le rayon gamma en 1900, dans Paris qui dort, en 1925, il est question du rayon diabolique d’un savant fou. Le film d’une heure, le second sorti de René Clair après le court Entr’acte (1924), n’y fait pas allusion de suite. Dans sa première partie, le spectateur découvre avec Albert (Henri Rollan), le gardien de nuit de la Tour Eiffel, les effets dudit rayon sur la capitale : Paris plongée dans le silence, rues désertes ou rares habitants figés sur place, interrompus dans leur mouvement par quelque force encore inconnue.

La tour Eiffel domine Paris depuis 1889 et Clair en fait le véritable personnage principal de son film. Quand Albert rencontre un groupe de cinq autres personnes qui ont pu échapper comme lui au rayon du vieux scientifique, il les héberge au sommet de la tour. Cela donne l’occasion à de superbes plans dans cet enchevêtrement ordonné de poutres métalliques et à une série de moments savoureux où, perché au-dessus de la ville, le quotidien reprend le dessus.

La pile de Volta a été découverte en 1800 et, invention après invention, tout le XIXe siècle se voit progressivement conquis par la fée électricité. En 1925, dans le laboratoire du savant inconscient (Charles Martinelli), le décor est épuré : un bureau modeste, un tableau noir tout en hauteur (où des craies entières ont dû disparaître en calculs et figures incompréhensibles) et, dans le fond, l’appareil au rayon ravageur surmonté de trois ampoules électriques dont la taille énorme évoque sûrement encore toute l’importance de l’électricité dans les mentalités de l’époque (le tableau La Fée électricité de Dufy est pour la première fois exposé au Pavillon de l’Électricité à l’Exposition universelle de 1937).

La photographie est officiellement inventée en 1839 et René Clair, satisfait de cet effet spécial, ponctue son film de nombreux plans arrêtés pour donner l’impression d’une vie figée par le rayon. Arrière-plan de science-fiction, touche d’humour et de poésie, Paris qui dort questionne dans sa dernière scène le rêve et la réalité… tout comme, d’une façon ou d’une autre, le cinéma depuis 1895.

Signalons deux articles sur ce film parus dans le quatrième volume de la revue Zoom Arrière consacré au cinéma muet français (2020) et auxquels on pourra se référer avec intérêt : le premier, « Paris qui dort » d’Édouard Sivière (p. 223-224), le second, « La Dame de fer sur grand écran » de Vincent Jourdan (p. 290-293).

Une réponse à “Paris qui dort ou Le Rayon diabolique”

  1. « Les réverbères un à un vont s’allumant,
    Comme les étoiles
    Ou des cires autour d’un poêle.

    Et la ville s’endort pensivement… »

    Georges Rodenbach, les réverbères, 1898.

    Merci d’avoir éclairé mon chemin vers ce film de René Clair dont on m’avait déjà tant vanté les charmes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*