Millennium mambo

Hou Hsiao-Hsien, 2001 (Taïwan)




FASCINATION CÉLESTE


Vicky cherche un refuge où se poser. Pour y accéder, la belle devra subir des épreuves orchestrées par les hommes qu’elle fascine. C’était il y a dix ans, elle se souvient.

La bouille de Vicky est un diamant potelé que l’on ne peut quitter des yeux. Hao hao, son compagnon, voudrait l’accaparer mais il s’y prend mal. Ado attardé, il considère la belle comme sa poupée mais la nuit, Vicky ne désire qu’une seule chose : s’extirper de ce cocon oppressant. Oiseau sautillant, elle ne déploie son joli sourire que sur les pistes de danse de Taipei. Le matin venu, elle rejoint son nid où rien ne peut l’apaiser. Elle bout de l’intérieur. Son quotidien se répète inlassablement et cela ne changera pas. Alors elle enchaîne les cigarettes et les alcools forts. Le jour, elle tente de s’évader mais rien n’y fait ; elle est captive de ses sentiments. Son premier vrai refuge : les bras d’un grand costaud, mais cela ne suffira pas à faire fuir ses insomnies. Elle devra voler un peu plus loin, vers le Japon enneigé, pour trouver l’apaisement qu’elle désire tant. Contemplations et souvenirs d’un météore à l’allure phosphorescente, tombé par hasard sur Taiwan.

TRIP SENSORIEL
L’histoire de Vicky est un prétexte. Dépourvu de mièvreries et d’états d’âme, Millenium mambo ne peut être perçu que par les sens. La toile de fond est au centre de l’attention du réalisateur. Appartements, hôtels, clubs, restaurants : tous ces univers sont saturés par le bruit ou la lumière artificielle. Les néons et les écrans, omniprésents, envahissent les surfaces en diffusant une brume anesthésiante : les décors confinés deviennent de véritables aquarelles chimiques. Enfermé dans ces boîtes à couleur, Hou Hsiao-hsien a découpé l’espace. Les actions, les plans et les dialogues sont toujours court-circuités, par la voix-off du souvenir, un pan de mur ou un brouhaha indéterminé. Ce qui empêche ainsi de se focaliser uniquement sur le récit. La bande son étoffe judicieusement le film, peu doté en dialogue. Elle étreint parfaitement les séquences par ses pulsations lancinantes et offre aux images une vibration quasi-palpable.

JEUNESSE PERDUE
Hou Hsiao-hsien peint des bulles affectives où vivent des petites bestioles engourdies. Il fixe en instantané les tâtonnements d’une jeunesse taïwanaise qui se cherche. Le réalisateur filme une chorégraphie des années 2000, celle d’animaux nocturnes se réunissant le soir venu : une danse lente, sensuelle et terriblement mélancolique. Bribes de souvenirs, morceaux de conversations, images réassemblées : les séquences se succèdent sans logique ni souci chronologique. Le montage est un véritable trouble organisé, complètement fascinant. La réussite de ce jeu avec le temps tient cependant en grande partie à la moue irrésistible de l’héroïne incarnée par Shu Qi. Malgré sa léthargie et son indécision, Vicky captive dès son apparition, par sa présence irradiante. Une poupée fascinante dans un monde de lumières qui nimbent la ville. Récompensé au festival de Cannes en 2001, Millenium Mambo est sans aucun doute un petit bijou minimaliste aux facettes électrisées. Une photographie, aussi juste qu’irréelle, de la jeunesse perdue du deuxième millénaire.





Léa Jagut pour la 34e édition du Festival des 3 Continents

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