La maison de Dracula

Erle C. Kenton, 1945 (États-Unis)

Les recherches médicales du docteur Edelmann sont prometteuses. A ce point que tous les monstres du coin le supplient de trouver une solution à leur triste condition. Ainsi, pour détruire le parasite qui transforme le baron Latos en vampire (John Carradine [1]), le médecin préconise l’introduction d’une antitoxine par transfusion sanguine [2]. Le cas de Lawrence Talbot (Lon Chaney Jr.) est différent. A chaque pleine lune, il devient loup-garou [3]. Selon Edelmann, limiter la production de certaines hormones en augmentant sa cavité crânienne grâce à la moisissure distillée d’une plante hybride, la clavaria formosa, pourrait le guérir… Le docteur pense même un instant ramener à la vie la créature de Frankenstein. Son assistante, bossue mais vertueuse, l’en empêche une première fois. Cependant, le docteur, contaminé au cours d’une de ses transfusions, devient fou. Etrange cas s’il en est, à l’instar du docteur Jekyll, le voilà scientifique schizophrène ou schizophrène scientifique… Il réveille Frankenstein après avoir commis un ou deux meurtres et l’imposant puzzle de cadavres fait le coupable idéal pour la reprise d’un final bien connu avec mouvement de foule et brasier (Frankenstein, James Whale, 1931).

Kenton ne retient des influences expressionnistes que les jeux d’ombres, irréels et inquiétants. Digne d’un très beau muet, une scène oniromantique révèle en un tourbillon de brume l’emprise du vampire sur le médecin et ses coupables intentions quant à la seconde assistante, la blonde Miliza… Mais des maladresses, comme les saccades d’un monstre, prêtent à sourire et trahissent la série B. Ici, une tentative d’hypnose de Latos vient troubler Miliza et précipiter la Sonate au clair de lune qu’elle interprétait sagement au piano. Là, des dialogues :

« Et quand il est passé devant la glace, je n’ai pas vu son reflet. J’ai imaginé cela, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ?
– Non, Nina. Le baron Latos ne se reflète pas dans une glace.
– Alors il…
– C’est le comte Dracula. »

Notons au passage le peu de fierté de Dracula qui accepte, afin de passer inaperçu parmi les hommes, d’être rétrogradé de deux titres dans sa noblesse, de comte, il devient baron… La maison de Dracula recycle les créatures exploitées depuis dix ou quinze ans déjà (Dracula de Browning sort en 1931) mais le plaisir à voir les films d’horreur de cette époque, toujours plein de charme, ne faiblit pas. En vérité, cette production est une invitation pour tous les monstres de la Universal à tirer leur révérence. Nous l’avons dit (I vampiri, Riccardo Freda, 1956), il faut attendre la Hammer pour voir ces monstres ressuscités.





[1] John Carradine, père de David, se fait diriger par John Ford, Fritz Lang ou Michael Curtiz tout en collectionnant les rôles dans les films de monstres produits par Universal. Il commence figurant dans L’homme invisible (1933) ou La fiancée de Frankenstein (1935) de Whale, puis interprète des personnages plus importants dans The mummy’s ghost (Reginald LeBorg, 1944), La maison de Frankenstein (Erle C. Kenton, 1943)… Il n’oublie pas non plus de signer pour une poignée de navets (Billy the kid vs. Dracula, William Beaudine, 1966). Selon l’Imdb, sa filmographie compte plus de 340 titres.

[2] Le vampirisme, une maladie ? [intlink id= »blade-ii » type= »post »]Blade II[/intlink] de Guillermo del Toro, 2002.

[3] Comme pour un serial, les studios et le scénariste Edward T. Lowe Jr. reprennent le personnage de Talbot et l’acteur Lon Chaney qui étaient ceux du [intlink id= »loup-garou-le-the-wolf-man » type= »post »]Loup-garou[/intlink] de Waggner en 1941 (« Larry Talbot, fils du châtelain Sir John Talbot… ») et qui avait déjà été invité dans La maison de Frankenstein de Kenton en 1943. Le loup colle à la peau de Chaney puisque les poils lui poussent encore dans Frankenstein rencontre le loup-garou de Roy William Neill (1943), Deux nigauds contre Frankenstein de Charles Barton (1948), et La casa del terror du Mexicain Gilberto Martinez Solares (1960).

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