Les filles au Moyen Âge

Hubert Viel, 2015 (France)

RAFRAÎCHISSANT MOYEN ÂGE

Mais qu’est-ce que Les filles au Moyen Âge ? Du féminisme médiéval expliqué aux enfants ? La représentation la plus neuve qui soit de la période, prenant le contre-pied des temps obscurs habituellement décrits, une enluminure en somme. Œuvre d’adultes à destination d’enfants tout autant que l’inverse, on pourrait aussi apparenter le film à un texte redécouvert (un faux certes) bouleversant les perspectives, de la littérature didactique et merveilleuse à la fois. Les filles au Moyen Âge est à un carrefour des genres, chronique libre et heureuse, abrégé, bréviaire et trésor véritable. Dépassant l’idée reçue de la femme princesse passive ou de celle de la sorcière à brûler (comme si, dans ces clichés-là, le simple fait pour la princesse de vouloir agir et décider d’elle-même la faisait irrémédiablement franchir un seuil et rejoindre le sabbat prête à s’envoler sur le dos d’un satyre), ce par quoi commence l’excellent conteur Michael Lonsdale, sage parmi les sages, sorte de roi prêcheur ou de Merlin malicieux, les femmes au Moyen Âge pouvaient être tout autant médecins, astronomes, professeurs ou bien seigneurs. Depuis le concile d’Éphèse et les aventures de la servante Euphrosyne jusqu’à la guerre de Cent Ans et Jeanne d’Arc, en passant par Ermengarde, Clotilde et Hildegarde, Hubert Viel avec sa petite troupe d’acteurs jeunes et énergiques (Chann Aglat, Léana Doucet, Malonn Lévana, Camille Loubens, Jolhan Martin, Noé Savoyat) fait le récit drôle et tout en fantaisie d’un long Moyen Âge qui n’est d’ailleurs pas sans lien par sa narration avec Lancelot du Lac de Bresson (1974) ou Perceval de Rohmer (1978). Viel prend des libertés et c’est tant mieux. Tout ceci n’est qu’un jeu, dès ce mouvement de caméra dans le prologue où l’on passe d’une banlieue de maisons tranquilles sous ciel bleu aux chevaliers lourdement armés de Skyrim. Un jeu que l’on prend toutefois davantage au sérieux dans la dernière partie du film alors que son titre, « Le contrat de confiance », pouvait encore nous faire croire à un chapitre sur l’hommage vassalique ou un autre rapport social de cet ordre. « Le contrat de confiance » en vérité c’est un retour un peu brutal à la réalité : les grandes surfaces et les patrons des tours de verre qui terrassent le rêve et le jeu. Conclusion plutôt abrupte que toute l’audace et la candeur des enfants permettent néanmoins de ne pas considérer avec une trop grande défiance ni même avec la volonté de chicaner ; un discours naïf dans ce segment-là, sainement réactionnaire dirons-nous. Le véritable exploit de Hubert Viel est de composer à partir de la plus humble des formes, redevable aux émissions télé des années 1970 (4/3 et noir et blanc nous ramènent à la geste du frondeur Thierry, série fameuse de l’ORTF, musique électronique et générique bleu tout en symboles dessinés rappellent Thalassa, indétrônable émission du PAF), une matière fraîche et enjouée (« libertaire » dit le réalisateur dans un entretien), la plus stimulante qu’il nous ait été donnée de voir ces dernières années, lustres, décennies sur le Moyen Âge. En outre, après le vilain parking de supermarché et pour ne pas laisser le dernier mot au béton et à l’argent, l’épilogue revient derrière la maison, dans le jardin où les enfants sont en train de jouer et finit de manière plus optimiste. Là le grand-père reprend et insiste sur toute la magie du monde, les rosaces en mouvement, le serpent qui se mord la queue, les boucles du temps et l’éternité dans un chignon.

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