Les apprentis

Pierre Salvadori, 1995 (France)

Deuxième belle réussite de Pierre Salvadori, Les apprentis enchaîne des situations malheureuses avec une drôlerie exceptionnelle. Impasses amoureuses, errements professionnels, cambriolage de bras cassés, vraie dépression… S’il y a du pathétique dans tout ça, les acteurs et les dialogues (remarquables) rendent ces petits drames moins pesants que bidonnants.

Après leur collaboration dans Cible émouvante (1993), Salvadori reprend Guillaume Depardieu et lui offre un premier rôle aux côtés de François Cluzet. En interprétant Antoine, l’écrivain raté dépressif, et Fred, le désœuvré serein en contemplation occasionnelle devant les grosses cylindrées des magazines, les deux acteurs forment un duo savoureux s’enfonçant lentement mais sûrement dans une marginalité profonde. Parmi les seconds rôles, les filles offrent avec eux des moments appréciables (tout le réconfort de Judith Henry à Antoine, un autre possible grâce à Marie Trintignant en bout d’histoire) ou plus vicelard (le plan à trois proposé par une insoupçonnable Claire Laroche à un Fred estomaqué tandis que derrière lui éclate la vitre d’un arrêt de bus). En dehors des moments tordants, on retient une ou deux scènes plus sensibles comme la jolie déclaration d’amour de Fred à son modèle photographique ou le vœu d’Antoine de faire un séjour à l’hôpital parce que là-bas il pourra pleinement y apprécier le lent rétablissement de son corps. La mise en scène n’est pas en reste, quelques cadres bien pensés et d’autres astuces ajoutent au plaisir que le film procure.

Photographe, cambrioleur, amoureux, dramaturge ou cruciverbiste faute de mieux, amis sans le savoir… Fred et Antoine sont apprentis en toute chose et de manière durable. Mais cette relative inaptitude à la société sert leur complicité et nourrit une amitié que le film certifie dans la toute dernière scène quand s’improvise une chouette partie de foot avec les mômes du parc. Tout n’est pas résolu, loin de là, mais rarement une fin chez Salvadori nous aura dopés d’une énergie si positive.

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