Le Parfum vert

Nicolas Pariser, 2022 (France)

Quinze jours avant sa sortie, une avant-première surprise concoctée par l’AFCAE nous a mis en joie. Probablement préparée par l’inconnu total qui précédait cette séance spéciale, l’ouverture du Parfum vert a paru une extase et la suite n’a pas déçu non plus.

Du chignon suivi dans un mouvement de caméra dynamique au rythme d’une blonde à talons qui s’avère brune un instant plus tard, à l’aventure en spirale conspirationniste dans laquelle s’engouffre bien malgré lui le comédien Martin Rémi, Nicolas Pariser nous projette dans un savant mélange de références. Ainsi, de Paris à Bruxelles en passant par Budapest, Vincent Lacoste, devenu une sorte de Tintin ashkénaze angoissé, soutenu par Sandrine Kiberlain, une autrice de BD aux racines communes et à la famille un brin casse-pied, se lancent La mort aux trousses pour déjouer le complot d’une mystérieuse organisation appelée Le Parfum vert et dirigée par l’excellent Rüdiger Vogler. De quoi filer le vertige. C’est léger et enlevé comme dans les meilleurs Philippe De Broca (L’homme de Rio en tête, 1964) et il y a longtemps que le cinéma français ne nous avait pas offert cela.

La musique inspirée de Benjamin Esdraffo (déjà présent sur Alice et le maire), lorgne, cela va de soi, sur Bernard Herrmann, qui a beaucoup collaboré avec Alfred Hitchcock, ainsi que sur John Williams (un thème remettant à l’esprit les inventions du compositeur pour Arrête-moi si tu peux de Spielberg, 2002). Avec la 25ème de Mozart, la bande originale rythme et enrichit idéalement l’aventure.

Plus proche du Grand Jeu (2015) que d’Alice et le maire (2019), Le Parfum vert fait de la politique une simple matière à intrigue qui, aussi divertissante soit-elle, n’en est pas moins accompagnée de ses ombres. Ici, la démocratie telle que la conçoit l’Europe est menacée par des bandits à Mcguffin : rien de vraiment sérieux là dedans. Toutefois, le film cache un cœur noir. C’est une évocation plutôt subtile : un trajet en train, un panneau de gare en allemand, et une crise d’angoisse dans un wagon vidé de ses passagers… Il est dommage que le réalisateur explicite cette évocation de la Shoah d’une ligne de dialogue ensuite, car il me semble qu’en la soulignant ainsi il en amoindrit la force. Ce sera ma seule petite réserve. Le film redémarre aussitôt après sa course à indices et à mystères jusqu’au dénouement, qui, même heureux, écarte la menace sans complètement l’éliminer.

On ajouterait presque une remarque concernant le caractère réflexif qu’aurait pu prendre Le Parfum vert, récit dans lequel le comédien de théâtre n’est que rarement acteur de ce qui lui arrive et se retrouve entraîné par l’autrice de BD, qui, elle, a plusieurs fois l’initiative et les idées. Je me garderai cependant de faire du personnage de Claire Mayer la Maîtresse de Cérémonie de la cabale à renverser, car cette relation personnage-auteur n’est pas tant affirmée et reste une ébauche dans le film. Peu importe, Nicolas Pariser s’engouffre avec envie dans la comédie d’espionnage ou l’aventure policière et le plaisir au spectateur est communiqué. Le Parfum vert : excellente surprise et divertissement cinéphile tout à fait réjouissant.

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