Le choix des seigneurs (I paladini – Storia d’armi e d’amori)

Giacomo Battiato, 1983 (Italie)

Point n’est besoin de lever des armées, surtout quand la production n’en a pas les moyens. Quatre chevaliers suffisent pour lutter contre les Sarrasins. Et parmi ces quatre, Bradamante qu’une armure magique a choisi pour protéger les faibles des sacripants et des détrousseurs. Car Bradamante, femme devenue chevalier (Barbara De Rossi), est au cœur de la prophétie qu’une sorcière depuis son chaudron lui a révélée. La vieille lui a prédit qu’elle tombera amoureuse du prince maure Roger (Ronn Moss) qui lui-même sera condamné à périr sous les coups d’Orlando, le plus brave des chevaliers chrétiens (Rick Edwards).

Folle ambition que de tenter de retracer l’épopée de l’Orlando furioso de l’Arioste avec ce nanar. Les moyens accordés et l’esthétique privilégiée par Giacomo Battiato tiennent d’ailleurs le poème de la Renaissance à bonne distance. On retiendra (ou pas) surtout deux points de la réalisation. Le premier concerne toute une série de plans douteux, insistant sur les cuisses ou les fesses de ces filles qui passent beaucoup de temps à échapper à des gueux affreux, sales et méchants, à des chevaliers trop harnachés sous leurs armures pour être totalement libres de leurs mouvements (tant mieux pour elles) ou encore à un prêtre libidineux qui pour commettre son méfait a recours au pouvoir d’une émeraude placée sous sa langue (pierre dont le pouvoir -rendre invisible et pas davantage- avait été, selon la légende, vanté par Saint Siméon). Ainsi, dans le film, quand l’amour n’est pas pur, l’union des corps magnifiques de Bradamante et de Roger prolongé par un somme innocent près d’un joli ruisseau et sous une couverture de feuilles, il n’est que viol et luxure. Après tout, c’est le Moyen Âge. Le deuxième point réside dans les scènes de combats. Giacomo Battiato trouve plusieurs astuces pour filmer ces fracas et tenter de ne pas trop se répéter : silhouettes saisies à contre-jour et de loin sur une colline, ou bien la caméra au plus près des acteurs avec coupes au montage aussi maladroites que sanglantes (on appréciera toujours les mains et les jarrets tranchés dans de larges effusions de sang), position inattendue du chevalier avant la parade où l’épée tenue comme une raquette et les jambes fléchies face caméra font davantage penser à une partie de tennis qu’à un combat à l’épée…

A l’esprit noble du film et à ses combats épiques, s’ajoute quelques autres originalités. Par exemple, jamais les maures, qui ont tous la tenue bleue du Touareg, n’ont un physique arabe ou berbère. Ils comptent même en leurs rangs, un samouraï avec katana et cris de guerre. Certains comportements aussi étonnent. Il n’est peut-être pas impossible que le texte original ou une variante ancienne mentionne le coup de traître porté par un chevalier chrétien avec une masse sur le dos d’un adversaire musulman, même si le geste paraît très éloigné de l’éducation idéale transmise aux chevaliers et rapportée par la littérature médiévale. Mais le film nous livre un des rares exemples de digitus impudicus levé ici par un sarrasin à l’égard d’un chevalier…

Il est vrai qu’on ne cachera pas notre surprise, aussi brève fut-elle, de découvrir qui se cache sous le casque de Roger lors du combat final qui l’oppose à Orlando. Pourtant, au moment crucial de l’accomplissement de la prophétie, ce trop rapide rehaussement des sourcils ne suffit pas à oublier l’extrême approximation de la tentative d’adaptation du poème de l’Arioste par Battiato. Les armures belles et clinquantes, aux casques aussi divers qu’extravagants, ont certainement à ce point motivé le film qu’elles ont dans toute leur lourdeur emporté le reste : les royaumes d’Occident et les chevauchées sarrasines, les sorciers terribles et les héros sublimes, les forêts de pins et une plaine de cactus.

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