Lady Oscar

Jacques Demy, 1978 (France, Japon, Royaume-Uni)




Jacques Demy adapte La Rose de Versailles du mangaka Ryoko Ikeda, pour le compte du producteur Mataichiro Yamamoto [1]. Le film est peu connu en France (en raison d’une petite distribution à sa sortie) alors qu’il a été un gros succès au Japon. Il dure deux heures et, en dépit des ellipses, comporte des longueurs. Le film souffre de façon générale des mêmes faiblesses que le manga, trame historique mal traitée et personnages à l’eau de rose ; quoique le réalisateur s’en tire sans véritable mièvrerie et qu’en définitive, par un biais ou un autre, l’ensemble ne nous laisse pas tout à fait indifférent.


Comme dans L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune (1972), on retrouve le thème de la confusion des genres. La blonde héroïne est une aristocrate que le père a prénommé et éduqué comme un garçon [2]. C’est Catriona Mac Coll qui interprète Oscar Françoise de Jarjayes [3]. Le père d’Oscar lui apprend le maniement du sabre et la destine très tôt au service de la reine en tant que garde du corps. Elle attache ses cheveux (pas de perruque), porte la culotte et l’épée. Cela ne l’empêche pas de se maquiller. Elle tient en effet autant à son autorité de garde royal qu’à sa capacité de séduction. Qu’elle lance des défis aux aristocrates malveillants ou déclenche le courroux paternel, qu’elle baise impétueusement les lèvres d’une courtisane au milieu d’un bal, Lady Oscar cherche surtout à affirmer ses choix, ce qu’elle n’a pu faire enfant.



Adaptant assez fidèlement le manga, Demy s’efforce d’établir un parallèle entre la vie d’Oscar et la révolution grondante. Cependant les dates retenues n’ont pas réellement de pertinence. De façon très téléologique, elles permettent seulement d’inquiéter le spectateur : pourquoi encore à la veille de la Révolution Oscar s’obstine-t-elle à soutenir cette reine aux préoccupations si futiles ? D’ailleurs, à propos de cette dernière (jouée par Christina Bohm), un peu moins abandonnée, davantage préoccupée (robes, joyaux et bergerie, mais également un comte suédois dans les bras et les répétitions du Barbier de Séville dans le somptueux théâtre de Versailles), l’image de la belle Autrichienne n’est pas si éloignée de celle que Sofia Coppola donne dans son film, les macarons compris (Marie-Antoinette, 2005).


La reconstitution n’est pas toujours très réussie. Demy profite bien des décors versaillais [4]. Toutefois, malgré des moyens accordés (qui dépassaient largement ceux avec lesquels Ciné-Tamaris avait l’habitude de travailler), la reconstitution trouve ses limites dans les scènes de rues. Par exemple, à Senlis où la Bastille a été délocalisée, la représentation donnée du 14 juillet nous amuse en raison d’un cri informatif (« We took the Bastille! ») puis d’une Carmagnole géante et trop peu spontanée.


On s’intéressera par conséquent moins au sujet historique qu’aux tourments d’Oscar, à ses manières apprêtées et charmantes. Au milieu des défauts de jeu des acteurs et des maladresses en général, on apprécie la matière cinématographique que Demy adopte pour nous parler de son personnage : les décors emprunts de métaphores (de grandes grilles fermées sous la neige après la séquence sur l’enfance d’Oscar), un sublime glissement dans l’ombre (« I can’t, I can’t ») opéré à la manière de Lang ou de Hitchcock, un contrechamps salvateur après le 17 juin 1789 plaçant in extremis Oscar en opposition aux ennemis du peuple [5], ces mouvements de caméra, enfin, perdant Oscar (libérée de son costume étriqué et les cheveux dénoués) dans la foule en liesse.






[1] Yamamoto s’est spécialisé depuis dans la série B d’action et d’arts martiaux.
[2] Le chevalier d’Éon a inspiré son personnage à Ikeda.
[3] L’actrice joue à nouveau avec Demy, dans Trois places pour le 26, aux côtés d’Yves Montand (1988).
[4] Pendant que le film se faisait, le groupe Shiseido, qui s’occupait autant des maquillages que du financement du film, a aussi tiré avantage du château et des jardins de Versailles pour tourner ses propres publicités, prenant Lady Oscar pour égérie.
[5] On notera parmi eux la présence de Georges Wilson ainsi que celle de son fils Lambert dans un de ses premiers rôles.

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