La villa

Robert Guédiguian, 2017 (France)

Le lieu est magnifique. Robert Guédiguian choisit comme décor la calanque de Méjean qu’il connaît bien pour la fréquenter depuis les années 1970. La villa dont il est question dans le film domine la crique et son petit port. Son balcon offre une vue imprenable sur le ciel et la mer. À l’arrière plan, côté village, le viaduc aux arches imposantes fait passer occasionnellement des trains qui attirent l’attention. Dans cet espace aux allures de théâtre antique, la scène sur les quais, l’horizon laissé à l’imagination, le réalisateur ramène les acteurs de sa troupe, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan, qui jouent une fratrie réunie dans la maison familiale. Ils interprètent Angèle, Joseph et Armand qui se retrouvent après que leur père Maurice a subi une attaque (Fred Ulysse). Le vieillard survit mais perd la parole et sa capacité à réagir. La villa accueille également les proches, Benjamin, le pêcheur amoureux de théâtre et d’Angèle (Robinson Stevenin), Bérangère, l’ex-étudiante de Joseph et bientôt son ex-compagne (Anaïs Demoustier). Au pied de la maison, se tient le restaurant ouvrier de Maurice qu’Armand a repris et qui ne refuse un café à personne, pas même aux militaires qui traquent les terroristes en tout lieu et traitent la fratrie de bourgeois ingrats.

Comme la mer qui la borde, la beauté de La villa tient à son miroitement. Robert Guédiguian questionne le devenir humaniste de ses personnages, les combats du passé, la transformation du monde et la fin de vie. Il pointe une certaine mélancolie quand se perd un regard, s’abandonne un instant la caméra sur les photos en noir et blanc (il y a quelque chose de Suite armoricaine, le beau film de Pascale Breton sorti en 2015, dans le ton, le rythme, son attachement à un territoire et son questionnement profond). Dylan en renfort, la brèche ouverte dans le montage par un souvenir de Ki lo sa ? (1985) rend leur jeunesse aux acteurs et rappelle la complicité passée de toute une bande. À l’inquiétude familiale qui les regroupe tous, La villa s’ouvre aussi aux joies et aux drames du présent. Avec le drame secret d’Angèle correspond discrètement la venue de gamins que la mer a rejetés et à qui la vie offre un répit. À l’usure d’une histoire de couple, répond la simplicité d’un amour emporté main dans la main jusque dans la mort. Jamais Guédiguian ne verse dans la nostalgie facile ou le pessimisme excessif. La villa est un film généreux, lumineux, où les jolis moments et l’humour se mêlent au reste (la cigarette allumée par tous sur le balcon pour se remettre d’une émotion et la réplique de Darroussin qui amuse malgré le moment difficile). Au final, il y a celui qui se remettra à écrire, celle qui se remettra à sourire et celui qui toujours entretient les sentiers, plus haut, dans la nature. On va, on vient dans le film. Chacun chemine, suivant ses valeurs, ses émotions, ses envies, probablement ses possibilités. Tous finissent cependant par occuper le lieu, la villa, la calanque ou la « scène » puisqu’il y a cette question de la théâtralité du paysage. En d’autres termes, forts de leurs combats passés, Angèle, Joseph et Armand occupent à nouveau pleinement la vie à la fin du film. Ils peuvent alors bien crier leur nom sous le grand pont, la calanque leur répondra.

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2 commentaires à propos de “La villa”

  1. Bravo pour ta critique. Des lieux fascinants. Les thèmes chers à Guediguian . Un très beau film.
    Sur le viaduc,c’est le train de la Côte bleue qui passe .

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