Hill of pleasures

Maria Ramos, 2013 (Brésil, Pays-Bas)




PRES DES YEUX, LOIN DU CŒUR


Une nouvelle unité de police est mise en place afin de pacifier une favela de Rio de Janeiro. À travers des portraits d’habitants et de policiers, Maria Ramos nous présente le quotidien de Hill of pleasures. Un documentaire rempli de bonnes intentions et de magnifiques prises de vues mais dont la réalisation ne dessert pas l’intention.

Rio 2011 : une favela du centre-ville, Morro des prazeres (« La colline des plaisirs »), jusqu’alors contrôlée par un cartel de la drogue. Une unité spéciale de la police y a été déployée afin de mettre en place un processus de pacification entre les habitants et les forces de l’ordre. Un changement mal perçu par la majorité de la population, victime de violences policières pendant de nombreuses années. Hill of pleasures est un documentaire brésilo-néerlandais de 2013, réalisé par Maria Ramos.

Elle nous présente donc cette vie au cœur de Morro des prazeres du point de vue de six personnages principaux : un postier, une adolescente impliquée dans un trafic de drogue, un vendeur de livres et trois policiers. La tension quotidienne entre les habitants et les forces de l’ordre est palpable et les obstacles rencontrés sur la route de la réconciliation sont nombreux. Un des protagonistes résume assez bien la situation en déclarant : « Nous étions des îles, des îles qui n’étaient pas reliées entre elles… Maintenant des ponts sont construits par ceux que notre communauté déteste le plus. » Comment accepter l’aide de personnes que l’on considère comme ses ennemis ? Comment rendre la loi et l’ordre incontournables, à défaut d’être désirables ? Hill of pleasures interroge sur les notions de justice, de droit et de citoyenneté.



UN CONTRASTE ENTRE CIEL ET TERRE
Caméra au poing et sans musique de fond, Maria Ramos a souhaité retraduire, de la manière la plus brute et la plus originelle possible, l’ambiance qui règne à Morro des prazeres. Elle commence son documentaire en présentant la colline. Une vue imprenable sur Rio de Janeiro. Une ville magnifique où couleurs, saveurs et musicalité s’entremêlent dans une culture locale festive et chaleureuse. C’est le premier contraste. Une cité où la joie de vivre semble se propager aux sons des tambours et des carnavals. Le tout filmé d’un endroit qui a longtemps été, et qui est encore parfois, soumis au régime de la terreur. Un endroit où la misère se croise à tous les coins de rue : déchets jonchant le sol, maisons de fortune, rues et bâtiments délabrés et personnes mendiant pour leur survie. Des enfants jouent aux policiers et aux dealers. Un jeu dans lequel les policiers sont des ripoux et où la force armée des dealers n’a pas son égal. Une illustration dramatique de la triste réalité de Morro des prazeres.

UN SURVOL DÉROUTANT
En dressant le portrait de plusieurs personnages clés de la communauté, Maria Ramos plonge donc le spectateur dans un univers où violence, drogue et misère cohabitent. Mais les dialogues sont longs, trop longs, les plans fixes aussi, les personnages survolés, et on se demande bien pourquoi. Ce documentaire flotte dans un océan de symboliques dans lequel le spectateur a tendance à se noyer. Pourquoi centrer le portrait de Brulane, l’adolescente, sur son androgynie ? Le spectateur se questionne tout au long du documentaire : est-ce une fille ou un garçon ? Et cette ambiguïté n’enrichit finalement pas le propos de Maria Ramos. Il aurait plutôt tendance à détourner l’attention du sujet central.

Hill of pleasures est un documentaire rempli de bonnes intentions mais laisse comme un goût d’inachevé. Le spectateur veut réellement plonger dans la vie de ces personnes, veut en savoir plus sur eux. Au contraire, on a l‘impression que Maria Ramos côtoie ces personnes sans aller complètement au bout de sa démarche. On ressent comme un blocage, on a du mal à s’impliquer pleinement. En tant que spectateur, nous avons besoin d’en savoir plus afin de comprendre les enjeux d’un tel processus dans une favela. Quand on annonce un documentaire, le public s’attend à comprendre, à découvrir un sujet d’une façon différente, d’en déceler de nouvelles facettes. Au lieu de ça, Hill of pleasures suscite difficilement l’empathie car il met le spectateur à l’écart. On lui demande d’observer de loin mais on ne le sollicite pas.

En bref, on a approché ce Morro des prazeres, on a croisé des personnages, juste croisé, mais sans jamais vraiment entrer dans le cœur de cette favela.





Marie Colin, pour Preview et la 35e édition du Festival des 3 Continents.

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