The Green Hornet

Michel Gondry, 2011 (États-Unis)




Le frelon repasse par l’écran [1] et Gondry fait de son bourdonnement un vrai fracas, de sa piqûre une entreprise de démolition. Plutôt plaisant, le Frelon Vert, commandé [2] au réalisateur de Soyez sympas, rembobinez (2008), frustre toutefois un peu. Le film désintéresse quand il aborde la découverte du super-héros puisque, dans cette partie, il n’est que la répétition d’éléments familiers. Du design du costume à la progression dans la violence (Spider-man, Raimi, 2002), de la rivalité entre super-héros (le Frelon et Kato) et de la nécessité du travail d’équipe (Les 4 fantastiques, Story, 2005), d’une bourse inépuisable au goût prononcé pour les bolides (Iron Man, Favreau, 2008), du caractère d’un antihéros peu méritant (Hancock, Berg, 2008), de la surenchère dans la monstruosité, super-vilains inspirés par les couleurs et les masques de leurs ennemis (Batman, Burton, 1989), jusqu’au thème du héros passant pour le méchant pour faire le bien (le final du Dark knight, Nolan, 2008). Il revient au cinéaste de ne pas avoir abusé du vert dans les décors et la mise en scène, une fois suffisait, d’autant plus que c’était bien fait (Hulk, Lee, 2002).

Ce qui plaît, c’est la façon dont Michel Gondry, par touches et de connivence avec Seth Rogen, tire le Frelon du côté de l’enfance. Le premier plan où la figurine d’un super-héros « volant » est dans le poing de l’enfant résume les envies de Brit Reid (Rogen), du réalisateur et du spectateur. Les motivations de Brit sont à ce point puériles qu’il s’agit pour lui de paraître, tenir le rôle du « gentil » et d’en tirer de l’excitation. Sur cet aspect, l’entente Rogen Gondry quant à la maîtrise du projet ne lui nuit pas. Rogen sorti des productions Apatow [3] est le vecteur d’un comique régressif qu’entraînent une attitude et une parole d’adulte incapable, quelles que soient les situations, de se dégager de préoccupations adolescentes (les fêtes, les filles, les voitures…). Ainsi, la capacité du réalisateur à rêver à la manière d’un enfant (Eternal sunshine, 2004, La science des rêves, 2006) et celle de l’acteur à faire l’enfant constituent le point de convergence sur lequel toute l’originalité du Frelon se développe. L’écrabouillement des voitures, des personnages et la réduction à néant des décors (explosion du restaurant, destruction du bâtiment abritant le journal) relèvent du même type d’attitude que celle du gamin content de faire des pâtés de sables dans la perspective de les écraser. Les relations des garçons avec la belle assistante Lenore n’ont rien non plus de très adultes (Cameron Diaz, tête pensante de l’équipe, peu présente mais moins inutile que Gwyneth Paltrow dans Iron Man 2, Favreau, 2010). La « maturité » de l’actrice étant relevée, cela fait aussi d’elle la sœur responsable de grands enfants déraisonnables.

Formellement, l’intérêt de la 3D se révèle dans les brèves démonstrations d’arts martiaux de Kato (Jay Chou). Gondry ne se laisse pas submerger par la technologie, ainsi les ombres portées sur un mur pour approcher différemment un combat [4] et peut-être évoquer le dessin de BD (ailleurs Bruce Lee dans un carnet de croquis). De même, la séquence de réflexion du héros s’assurant de sa bonne compréhension de la situation est une belle preuve d’inventivité.

Une autre idée traverse le métrage, celle de l’opposition entre le parvenu (Brit) et celui qui au contraire a travaillé pour mériter sa place (Kato). C’est aussi toute la teneur de la scène présentant le méchant Chudnovsky (Christoph Waltz) qui fait face à un jeune, autoproclamé chef de la pègre (James Franco). Dans le bureau de ce dernier, l’apparence flatteuse (costard chérot, cool attitude et belle déco) est aussitôt soufflée par l’expérience du vieux truand, transformant les audacieux successeurs en simples cadavres. Si chez les vilains, le travail prime, il en est de même avec les justiciers. Kato laisse sa chance à Brit pour que ce dernier, sans renoncer au paraître qui fidèlement accompagne son ego, laisse une place à l’être. Privilégiant l’expérience et l’action, le héros en devenir gagne une légitimité à la sueur de son front.





[1] Sans reprendre l’historique des feuilletons et des adaptations ciné, mentionnons The Green Hornet de R. Taylor et F. Beebe (et non Bumblebee) en 1940, sympathique frelon en noir et blanc accompagné du bourdon de Rimski-Korsakov.
[2] Le Hongkongais Stephen Show (Shaolin soccer, 2002, Crazy kung-fu, 2004) s’était désisté avant lui sur le projet.
[3] Comme le Frelon Vert, Supergrave de G. Mottola (2007) et Délire express de D. Gordon Green (2008) sont réalisés à partir des scénarios d’Evan Goldberg et Seth Rogen.
[4] Ce que faisait Burton dans Batman, lui ayant à l’esprit l’expressionnisme allemand.

2 commentaires à propos de “The Green Hornet”

  1. Je me demande bien si Brit et Kato n’ont pas envie de tuer le père (découpage de la statue, mise à sac de la salle de rédaction) et de coucher avec leur mère (symbolisée par C. Diaz). Il y a quelque chose sur le passage à l’âge adulte que les deux héros refusent. Cela est d’ailleurs appuyé par le fait que le potentiel de séduction /pouvoir des adultes « matures » (Diaz et Waltz) est interrogé. Pire, les plus âgés ne peuvent pas travailler correctement (le père de Brit en mourra et son rédac chef peine à imposer son point de vue).

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