La gorgone

Terence Fisher, 1964 (Royaume-Uni)




Hésiode, Homère ou Ovide divergent dans leurs descriptions des Gorgones. Source moderne, la Hammer donne sa propre version. Si le pouvoir de pétrification et les cheveux en serpents caractérisent toujours la créature, elle n’a plus pour nom Méduse mais Mégère. Comme celui de Frankenstein, le monstre de Fisher est fait d’emprunts. Son nom provient donc d’une autre divinité, une des Érinyes qui habitent les enfers (Moreau, suivant la tradition, les représente aussi avec des serpents sur la tête)*. Son apparence hideuse, elle, ne se découvre que les soirs de pleine lune à l’imitation du loup-garou. Le reste du temps elle a les traits de la jolie rousse Barbara Shelley**. Peter Cushing et Christopher Lee (tout en postiche) lui tournent autour, l’un par amour, l’autre pour en découvrir le secret. Alors que ses apparitions restent rares, çà et là, ses victimes, des statues de pierre, ramènent la créature maléfiques à nos esprits.

La malédiction de Barbara Shelley est double, sa transformation d’une part, sa difficulté d’aimer d’autre part. Le médecin incarné par Cushing l’étreint mais se fait rejeter. Un jeune scientifique (Richard Pasco) la séduit davantage mais Mégère fige leur amour. Tant de savants penchés sur le cas sans qu’aucun n’explique l’origine de ses malheurs. Même le professeur Meister (Lee), spécialiste en mythologie (vu pour la première fois en train d’examiner un caillou de très près), n’est réduit qu’à d’invérifiables hypothèses.

Fisher et la Hammer ont déjà abattu leurs cartes Frankenstein (Frankenstein s’est échappé, 1957), vampire (Le cauchemar de Dracula, 1958) et momie (La malédiction des pharaons, 1959), certaines deux fois. A la recherche de nouveautés, les producteurs trouvent dans la Gorgone un frisson inédit. L’actualisation du mythe grec par le scénariste John Gilling est d’autant plus originale qu’elle a des affinités avec les contes de Grimm (sombre forêt allemande, pôle castral, un goût pour les légendes en général). Au-delà, c’est l’exacerbation des sentiments que l’on retient dans cette monstruosité toute romantique.





* Concernant Méduse, voir plutôt Le choc des Titans, Davis, 1980. Dans le film de Fisher, les trois Gorgones citées sont Tisiphone (une autre Érinye), Méduse et Mégère.
** Dans Le sang du vampire (Henry Cass, 1958), Le village des damnés (Wolf Rilla, 1960) ou offrant sa gorge avec érotisme dans Dracula, prince des ténèbres (Fisher, 1965).

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