Goldfinger

Guy Hamilton, 1964 (Royaume-Uni)

Dans cet épisode, James Bond ne sauve personne. Ni la première des sœurs Masterson, rigidifiée et dorée autrement que par un procédé alchimique, ni la seconde, Tilly, oubliée morte ou évanouie, on ne sait pas très bien, dans les bras d’un exécutant chinois (Shirley Eaton et Tania Mallet). Bond ne sauve pas non plus les 50 000 personnes de la base de Fort Knox et encore moins les dizaines de milliers d’autres qui auraient pu mourir lors de l’explosion de la bombe atomique glissée au cœur de la réserve d’or américaine.

Dans la troisième des adaptations de ses aventures, l’agent secret britannique n’est pas plus un héros chevaleresque (Dr. No, 1962) qu’un beau salaud (Bons baisers de Russie, 1963). Le héros de Ian Fleming (toujours incarné par Sean Connery) est, plutôt cette fois, un raté. Ainsi, par exemple, s’il tente de s’enfuir, alors qu’il est le prisonnier de Oddjob (Harold Sakata) et des troupes de Goldfinger, ce n’est que le temps d’une démonstration des derniers gadgets à essayer avec son Aston Martin. Siège éjectable et mitrailleuse actionnés n’y changent rien, Bond prend un mur et retombe entre les pattes de ses ennemis. Idem, quand il croit transmettre des informations capitales sur les projets criminels de Goldfinger (Gert Fröbe), le petit bout de papier griffonné disparaît avec le messager, compressé dans son véhicule à la casse-auto. Au haras du milliardaire aux faux airs de Khrouchtchev (plus américain en vérité qu’aucun autre -les dollars, les courses, la Floride-), James Bond ne parvient pas davantage à s’échapper. Il est rejeté dans sa cellule surveillé par cinq hommes plutôt qu’un seul. Rien ne lui réussit vraiment, sauf la séduction sauvage, son point faible, ce qu’il reconnaît volontiers devant M au QG. D’ailleurs le faux Khrouchtchev s’en prendra à son entre-jambe avec son laser, arme hautement dissuasive s’il en est.

Tous ces gens qui ont échappé à la mort, y compris Felix Leiter, l’ami fameux de la CIA, sont d’abord sauvés par Pussy Galore, cette fille qui a failli ne pas se laisser basculer dans la paille par double zéro ; cette fille qui, en tout cas, a été capable de l’épater d’une ou deux prises à le mettre au sol. Pussy Galore (Honor Blackman) est la seconde (après Tatiana dans Bons baisers) à changer de camp au cours d’une aventure. Pussy est la pilote personnelle de l’homme d’affaires assassin Goldfinger et bascule du côté occidental, certes davantage attirée, selon toute vraisemblance, par la puissance séductrice de double zéro plutôt que par le refus soudain de sacrifier des dizaines de milliers d’innocents. Elle et son équipe de pilotes blondinettes (le « Pussy Galore Flying Circus ») devaient voler au-dessus de Fort Knox pour diffuser depuis leurs avions le gaz mortel qui permettait à Goldfinger d’agir dans la banque fédérale (séquence saisissante où militaires et civils, partout sur la base, s’effondrent brutalement). Il n’en sera rien et le mérite revient à la fille. Même si on pourra toujours objecter que sans le sex-appeal de Bond, Goldfinger aurait immanquablement pu parvenir à ses fins. Pour aller dans ce sens, il n’est pas faux alors de remarquer qu’un tel nom, « Pussy Galore », ne pouvait faire du personnage qui le porte qu’une émissaire confidentielle de Bond. Enfin, les rescapés du film sont aussi redevables à la main sûre et efficace qui évite à l’agent double zéro une boulette, en tirant n’importe quel film de la bombe pour tenter de la désamorcer.

Ayant retrouvé un peu d’assurance dans les cinq dernières minutes, James Bond n’a plus qu’à se débarrasser du Midas criminel international… et d’embrasser la fille une fois de plus. Il sait qu’il n’a pas servi à grand chose dans cette aventure, seulement à faire ce qu’il sait le mieux.

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