El mudo

Daniel et Diego Vega, 2013 (Mexique, Pérou)




UN JUGE, UN PÈRE, UN HOMME

Révélés en 2010 au Festival de Cannes avec Octubre, les frères Vega sont de retour avec El mudo, la quête mutique d’un juge incorruptible confronté à sa propre moralité.

Constantino Zegarra, un juge péruvien connu pour son implacable autorité est victime d’un accident qui le contraint au silence. Si l’enquête de la police conclut à une balle perdue, Constantino, lui, est convaincu que quelqu’un a tenté de l’éliminer. Il va alors mener ses propres investigations qui l’amènent à franchir les limites imposées par sa fonction. C’est à partir de cette intrigue que les réalisateurs ont souhaité présenter leur vision de la société péruvienne. Le propos s’articule autour de la moralité de ce personnage froid et distant. Durant tout le film, les péripéties ne vont cesser de mettre à mal l’éthique du juge. Si le héros est rapidement réduit au silence, ce n’est pas un hasard. Les cinéastes ont voulu montrer comment un personnage peut être déstabilisé physiquement, émotionnellement et surtout idéologiquement par la perte de la parole.


UNE FIGURE AUTORITAIRE CONFRONTÉE A SA MORALITÉ
Le long métrage tire sa force de l’improbable cheminement du héros. Le juge est la véritable clé de voûte de cette enquête au cœur de la magistrature péruvienne. Dès l’introduction, le spectateur est confronté à un personnage apparemment dénué d’humanité. Outre l’image de la justice, c’est la figure patriarcale qui est questionnée par les cinéastes. En effet, les deux principaux lieux de cette enquête policière sont le bureau du juge et la sphère familiale. Dans chacun de ces univers, une atmosphère angoissante et paranoïaque est palpable. Constantino est seul contre tous.


UN FILM INÉGAL
Mais les manques de consistance et d’expressivité du long métrage assombrissent le tableau. La volonté de Diego et Daniel Vega de privilégier l’enquête au profit de la vie familiale déprécie l’ensemble. En tentant de mettre en avant la dimension comique pour ponctuer une intrigue mollassonne, les réalisateurs opèrent un mélange des genres risqué. Le résultat est mitigé, si la figure d’antihéros méritant son sort fait son petit effet, la maladresse de ce mélange des genres réduit l’intérêt du film. La performance de Fernando Bacilio, l’acteur principal, fait la part belle à l’expression. Tout passe par lui.

Finalement, le questionnement sur la figure paternelle et celle de l’autorité interroge jusqu’au fondement de la justice péruvienne. Le film séduit par sa construction, mais laisse entrevoir quelques limites. Daniel et Diego Vega proposent une quête mystérieuse où le silence et la paranoïa sont rois. El mudo, un portrait mutique de la société péruvienne qui n’attise, malheureusement, qu’une maigre curiosité.




François Boulard pour la 35e édition du Festival des 3 Continents

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