Dumbo

Tim Burton, 2019 (États-Unis)

Tim Burton se cache parmi les bêtes de « L’île aux cauchemars ». Dans cette attraction du trop grand parc Dreamland, loup, crocodile et éléphant, placés devant des décors fantastiques et grimés comme des créatures aussi étranges que féroces, restent tristes dans leurs cages. Prisonniers dans ce pays des rêves, d’une autre manière qu’Alice (2010), Burton serait un monstre de foire auquel la souris gloutonne autoriserait à chacun de ses films avec elle une exceptionnelle saillie. Ce serait donc aussi conscient de sa condition chez Disney que le réalisateur de Pee-wee’s big adventure (1985) a accepté de refaire Dumbo (1941) et de rejoindre la farandole de remakes du catalogue Mickey où Cendrillon (2015), les animaux du Livre de la jungle (2016), Le roi lion (2019), Aladdin (2019) et d’autres défilent sans vraiment séduire et sans vraiment surprendre.

Toutefois, la petite masse grise aux oreilles démesurées et aux grands yeux, animée ici, voltigeant ça et là une plume dans le nez, n’en est pas moins, comme souvent chez Burton, un monstre attachant. Autour du bébé pachyderme, le réalisateur rassemble quelques-uns des acteurs de sa troupe : Eva Green en Colette aérienne and so frenchy, Michael Keaton dans la peau du mégalomane magnifique V. A. Vandevere, et Danny De Vito, Max Medici, le petit patron et le chef de famille qui, en concluant un accord avec le précédent, perdra Dumbo en même temps que son intégrité. On peut regretter que l’opposition Keaton – De Vito ne soit pas enrichie d’autres évocations, mais le jeu des acteurs nous contente, l’un parce qu’il conserve toujours au coin de l’œil un peu de sa folie passée (Beetlejuice, 1988) alors que chez l’autre colérique perce malgré tout une pointe de mélancolie (Batman le défi, 1992)

Le cirque Burton circule au lendemain de la Première Guerre mondiale entre la Floride et la Californie et le contexte de l’époque nourrit le récit d’éléments bien pensés : le retour du père amputé, les difficultés économiques des plus modestes et, comme un charognard attiré par l’animal blessé, le personnage du capitaine d’industrie avide de bonnes affaires. A ce monde déjà très animé, Burton s’octroie encore un clin d’œil au Dumbo premier du nom avec une ronde d’éléphants roses en bulles de savon. Il y a aussi cette revue de danseuses un peu à la manière de Busby Berkeley. Mais peut-être retiendra-t-on davantage de cette communauté de saltimbanques désargentés et de ces numéros de cirque bon marché, les visages de clowns tristes affichés par Dumbo lui-même et Colin Farrell. Dans l’euphorie qui laisse à la marge, le créateur rêve de liberté, mais cette liberté, on a l’impression que son film en fait le constat, il ne la retrouve à son grand dam que sous la toile du plus grand chapiteau du monde.

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