Dim sum : a little bit of heart

Wayne Wang, 1984 (États-Unis)

Le Chinatown de San Francisco s’apprête à fêter le nouvel an chinois. Une mère veuve, madame Tam (Kim Chew), se prépare à partir en Chine rendre un dernier hommage aux ancêtres et à leur terre. Elle fait savoir depuis longtemps à ses proches qu’elle souhaiterait voir sa fille mariée avant de disparaître… Or, un voyant lui a prédit qu’elle mourait à 62 ans, son âge actuel… La pression qui pèse sur Geraldine (Laureen Chew), sa fille, est forte.

La prédiction est un prétexte et, quoi qu’il en soit, on s’en rend bien compte, le voyage en Chine symbolise la disparition prochaine de la mère. Wayne Wang met joliment en scène les rapports entre mère et fille d’une part, doucement conflictuels, et avec l’oncle Tam (Victor Wong) d’autre part, faisant parfois le lien entre elles. L’introduction de Dim Sum présente les personnages un à un, en trois plans, et les unie par « un petit battement de cœur », celui du titre qui s’insère en un quatrième plan. Wang nous habitue dès le début à l’idée de disparition et d’absence en montrant les pièces vides de la maison ou des objets qui viennent d’être manipulés, abandonnés sur le lit. De même, parce que les personnages rangent et nettoient le domicile, font leurs comptes et règlent les « dernières » affaires (tâches ménagères, ratissage du petit bout de jardin, leg de bijoux), une ambiance particulière s’installe dans ce décor familier (un foyer comme d’autre) mêlant attente et crainte légère (le réalisateur installe la plupart de ses scènes dans la durée). Plus loin, bien qu’elle tente de réconforter Julia (Cora Miao), son amie qui apprend que sa mère vient de décéder, Geraldine est mal à l’aise. Le plan est sobre mais plein de sens : le surcadrage souligne la gravité du moment, la blancheur du lieu rappellerait presque celle d’un hôpital, Julia vient de perdre toute couleur à l’annonce de la triste nouvelle (chemise blanche), Geraldine est d’autant plus compatissante (pâleur rose de son tee-shirt) que la mort survenue pourrait tout aussi bien être celle de sa propre mère.

Le second thème qui occupe tout le film est la fusion culturelle opérée par les immigrés chinois aux États-Unis. Le lieu même de San Francisco n’est pas innocent puisque, outre le fait qu’il s’agisse ou qu’il s’est agi du lieu de résidence de Wayne Wang, la métropole californienne accueille une des plus importantes communautés asiatiques d’Amérique du Nord. D’une génération à l’autre, la part chinoise de cette acculturation a tendance à diminuer. Ainsi, des éléments constitutifs de l’identité chinoise se transmettent, la langue, l’écriture et le calendrier par exemple. D’anciennes habitudes se perpétuent. Geraldine et ses amies reproduisent les gestes de leurs parents quand elles jouent au mahjong. Mais d’autres éléments se perdent, comme certaines pâtisseries du dim sum (petits gâteaux chinois) que l’on ne sait plus préparer. De plus, l’ « américanisation » se lit à l’image lorsqu’apparaissent les marques et les personnages, emblèmes célèbres et ici véritable incarnation du mode de vie moderne de l’Américain moyen (fast-food, cola, Mickey Mouse, magazines de mode). Le réalisateur fait contraster ces influences locales avec le milieu dans lequel il les insère (cuisine asiatique / cola ; belle robe traditionnelle /simple sweat-shirt universitaire ; ombres chinoises sur une façade d’immeuble). La bande son enfin illustre la double culture : les dialogues mêlent le chinois et l’anglais et la musique est jouée par un luth oriental.

Très joli film pour lequel on devine quelques inserts autobiographiques du cinéaste hongkongais. Wayne Wang laisse le temps aux spectateurs de s’installer dans les canapés du salon familial ou au bar sombre et rétro de l’oncle Tam, et de constater le devenir d’une population qui loin de ses racines, ne prête pas attention au lent affadissement de son identité culturelle.





Article repris sur Kinok et paru en mars 2009.

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