Dans la brume électrique

Bertrand Tavernier, 2009 (France, États-Unis)




Quelle excellente surprise de voir le réalisateur de La mort en direct (1980), Coup de torchon (1981) ou encore Un dimanche à la campagne (1983) s’attaquer avec autant de brio à un thriller plus ‘ricain que ‘ricain ! Mais pour mémoire, Bertrand Tavernier avait déjà promené sa caméra sur les rives du grand fleuve nord-américain dans Mississipi blues en 1983, une sorte de documentaire et road-movie co-réalisé avec Robert Parrish. Par ailleurs, Tavernier est aussi un très grand amateur et connaisseur du cinéma américain *.

L’adaptation du roman noir Dans la brume électrique avec les morts confédérés de James Lee Burke donne lieu à un polar tout en ambiances, baigné dans la musique cajun, un blues marécageux (à noter l’apparition de Buddy Guy) et une Louisiane toute mystérieuse. On y suit Dave Robicheaux, un enquêteur sexagénaire qui ne s’encombre pas de bonnes manières, à la poursuite d’un tueur de jeunes femmes… Il est interprété avec brio par Tommy Lee Jones, qui n’est pas sans nous rappeler Clint Eastwood, un gars de cette trempe-là avec la verve, la gueule et le charisme nécessaire pour tenir le film sur ses épaules.

A titre de comparaison, Dans la brume électrique, sorte de « thriller atmosphérique », a un peu la saveur d’Insomnia de Christopher Nolan (2002), autre grand polar magnifié par le très bon Al Pacino. Ici pas de cascades ou d’explosions, pas de fin à tiroirs ou de réalisation tape à l’œil, mais un film noir, au scénario solide et à l’interprétation sans faille. Bertrand Tavernier a su saisir l’âme de la Louisiane, ses nombreuses blessures (ségrégation, ouragans…) et sa dignité. Envoûtant.


* Voir quelques-uns de ses ouvrages : B. Tavernier, Amis Américains : Entretiens avec les grands Auteurs d’Hollywood, Institut Lumière/Actes Sud, 1993, J.-P. Coursodon et B. Tavernier, 50 ans de cinéma américain, Paris, Nathan, 1991…

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2 commentaires à propos de “Dans la brume électrique”

  1. A noter que le film ne sort pas en salles aux Etats-Unis mais directement en dvd à cause de litiges qui ont opposé Tavernier et les producteurs. Le film dispo sur les galettes américaines est différent de la version française car recentré sur l’intrigue et désembrumé, dispensé de son atmosphère.

    L’entretien de Tavernier avec Michel Ciment dans l’émission Projection privée (France Culture) du 11 avril 2009 était plein d’intéressants éclairages sur le tournage du film et les intentions du cinéaste (sa volonté de ne pas asservir le scénario à l’intrigue et préférer que ce soient les personnages qui s’imposent à elle ; sa façon de filmer la violence en plan séquence et sans effet aucun pour casser avec la tendance actuelle qui ne parvient pas à traduire la violence à l’écran à l’état brut, etc.).

  2. Excellent polar, je souligne également la réalisation de Bertrand Tavernier avec une mention spéciale pour la photographie et la bande son (Marco Beltrami). Ce film est à voir en salle pour pouvoir s’imprégner de cette ambiance cadienne pesante (dans la brume…), avec des interprètes impeccables de Tommy Lee Jones incarnant un flic à l’ancienne à John Goodman en mafieux opulent (dans tous les sens du terme).
    Plusieurs histoires se croisent (meurtres, racisme, Histoire…) le suspense va crescendo mais, chut, je ne vous en dis pas plus, c’est à découvrir et à savourer.

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