Chacun cherche son chat

Cédric Klapisch, 1996 (France)

J’avais oublié qu’un Klapisch, ça pouvait être bien. Le film ressort en salle à l’occasion du festival Play it again cet été 2022, rendez-vous à l’initiative de l’Association des Distributeurs de Films de Patrimoine. C’est donc vingt cinq ans après l’avoir vu une première fois, que je le redécouvre. Troisième film du réalisateur (après Rien du tout, 1992 et Le péril jeune, 1994), Chacun cherche son chat évoque les transformations du quartier Bastille tout en suivant les pas de Chloé (discrète Garance Clavel) partie à la recherche de Gris-Gris.

Photo de tournage, Jérôme Plon (source : https://lemag.nikonclub.fr/ art. « Le photographe de plateau – Rencontre avec Jérôme Plon », 8 septembre 2016)

On circule sur les trottoirs pour coller les affichettes du chat perdu sur les murs de tôles des chantiers et les palissades des terrains vagues. Dans un marché, un troquet, devant des commerces plus récents que d’autres, la promenade à la recherche du matou offre l’occasion d’une discussion avec de petites vieilles sur ce que la ville était (Madame Renée jouée par Renée Le Calm). Un immeuble est démoli et l’œuvre destructrice fascine. On traverse aussi des appartements parce qu’on y est invité ou bien pour rendre service (une bouteille de gaz à monter, des cartons à descendre). On entend parler d’avis d’expulsion pour refaire et rénover. Comme politiques et promoteurs n’avaient pas encore totalement « gentrifié » Paris, Cédric Klapisch n’avait pas encore embourgeoisé son cinéma. Dans Chacun cherche son chat, appartements usés et cours d’immeubles modestes nous font penser à ce qu’on trouve, par exemple et pour prendre un cinéma contemporain, dans Les apprentis de Pierre Salvadori (1995). Et même quand Klapisch est tenté par les monuments de Paris, les plans ne laissent ces repères que dans un lointain arrière-plan. Seul le Génie de la Bastille a droit à sa scène. Pourtant le passage est assez original, le décor d’une angoisse, pour se protéger du cliché. Quant aux toits visités, là encore les lieux et les cadrages écartent le déjà-vu pour nous laisser poursuivre le chat, avec Djamel (Zinedine Soualem) et Chloé, jusqu’à se risquer près des gouttières.

Dans ce décor de quartier, le film met en évidence un réseau où tout le monde se croise et échange à un moment ou à un autre : les vieilles dames des rues voisines redoutablement efficaces dans la diffusion des nouvelles, le batteur nuisible mais séducteur (Romain Duris), la dame qui se perd tout le temps, Bel Canto et Carlos (Joël Brisse et Simon Abkarian), toujours Djamel qui n’est jamais très loin… On se plaît à découvrir les habitants de Bastille, même avec leurs défauts, et à les recroiser dans un coin ou un autre de la petite ville. Le J’veux du soleil d’Au P’Tit Bonheur, que l’on entend dans une scène, colle bien à l’ambiance.

Chacun cherche son chat est également parsemé de petites astuces de réalisation. Un plan court de Chloé à la mer évoque ses vacances et fait passer une semaine en deux secondes. Le tambour de la machine à laver devient la métaphore de sa vie sentimentale gentiment chamboulée. Un champ-contre-champ avec jeu de miroir amuse quand la jeune fille ne dit pas tout à fait ce qu’elle pense du nouveau copain de son colloc (Olivier Py). Ailleurs, un raccord passe des mésaventures de Jamel sur les toits à l’imitation moqueuse de Carlos agrippé au comptoir du bar comme à une gouttière. Et puis, il y a cette fin, pas grand chose et pourtant : la course de Garance Clavel qui a fini de chercher son chat et Glory Box de Portishead pour l’emporter et nous avec.

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