Bending the rules (Ghaedeye tasadof)

Behnam Behzadi, 2013 (Iran)

CHRONIQUE D’UNE ÉMANCIPATION IRANIENNE

Bending the rules retrace les derniers préparatifs d’une jeune troupe de théâtre qui s’apprête à voyager pour présenter une de ses pièces lors d’un festival à l’étranger. Pour sortir du pays, les jeunes gens ont menti à leurs parents, à l’exception de Shahrzad (Neda Jebraeili) qui fait le choix de l’honnêteté vis-à-vis de son père. En interdisant à sa fille de partir, le père de Shahrzad provoque un séisme qui opposera deux générations dans l’Iran contemporain.

Avec Bending the rules, Benham Behzadi confronte l’émancipation de la jeunesse et le pouvoir patriarcal et traditionnel de la société iranienne. À travers le portrait sobre et humain de cette troupe de théâtre passionnée, le cinéaste questionne jusqu’aux fondements religieux et politiques de son pays. Allant, parfois jusqu’à rappeler L’esquive (2003) d’Abdellatif Kechiche, Bending the rules traduit la volonté de modernité de la jeunesse iranienne.

UNE MISE EN SCÈNE THÉÂTRALE
La mise en scène est sobre et intelligente. À la manière d’une pièce de théâtre, le long métrage est découpé en tableaux. Le film n’en est pas moins construit autour d’une caméra embarquée. Exit les champs-contrechamp, le cinéaste favorise les plans à deux (deux personnages de profil dans le cadre) et privilégie la mobilité de la caméra. Le spectateur est directement plongé dans le quotidien de la troupe et suit pas à pas le cheminement des protagonistes. La dimension sonore est également très travaillée. Interprétée en son direct par le compositeur de la troupe de théâtre, la bande originale propose une montée en tension, un crescendo, dans une sorte de fusion avec l’intrigue. Centré autour du personnage de Shahrzad, chacun des acteurs livre une performance de grande qualité.

OEUVRE UNIQUE, MESSAGES MULTIPLES
Le réalisateur met en place une spirale alternant espoirs et craintes. À l’image du film Une séparation (2012) d’Asghar Farhadi, Bending the rules étudie les implications du conflit familial dans l’Iran moderne. La question de l’amitié est aussi une des données importantes de ce film. En effet, au sein même de la troupe, on retrouve des profils différents, des questionnements sur leur famille et même sur le fonctionnement de la société. En naviguant de perception en perception, le film n’est pas sans rappeler non plus Persepolis (2007) de Marjane Satrapi. À travers un récit autobiographique, celle-ci avait réussi à dresser une vision à la fois moderne et critique de la société iranienne. Bending the rules aborde sensiblement les mêmes thèmes en posant une diversité de points de vue. C’est ce melting-pot qui donne au film sa force narrative.

Bending the rules est une pièce de cinéma habilement construite qui ne tombe pas dans le piège du mélodrame. En questionnant la valeur de l’amitié et la place de la jeunesse dans l’Iran actuel, Benham Behzadi respecte la diversité de points de vue et évite tout moralisme. Une œuvre profonde et résolument moderne qui questionne autant qu’elle émeut.

François Boulard, pour Preview,
dans le cadre de la 35e édition du Festival des 3 Continents

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Une réponse à “Bending the rules (Ghaedeye tasadof)”

  1. La mise en scène est certes très fluide et plutôt intelligente, le film n’en demeure pas moins très vite usant dans son incapacité à susciter l’empathie. Trop théâtral à mes yeux, dans ce que le théâtre a de moins bon (on étudie tous les champs de discussion possibles et on les traite tous sans hiérarchie), Bending the rules, malgré son fort sympathique réalisateur, n’a pas réussi à m’accrocher.

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