Arrietty, le petit monde des chapardeurs (Karigurashi no Arrietty)

Hiromasa Yonebayashi, 2010 (Japon)

Plein les feuilles
Les cordes pincées de la harpe celtique de Cécile Corbel accompagnent joliment l’adaptation que Miyasaki fait du roman de l’Anglaise Mary Norton, The borrowers (Les chapardeurs). Pourtant les premières notes de la bande originale et surtout le chant (qui ensuite disparaît) ont commencé par nous faire peur. Chansons parfaitement formatées pour un dessin animé destiné aux enfants (The neclected garden et Our house below), plutôt que Ghibli (Hisaishi sur les films de Miyasaki), les yeux fermés, c’est sur le pire des studios Disney que nous aurions parié. Les morceaux cités sont mièvres sans, fort heureusement, pouvoir concurrencer les horreurs jadis atteintes par Elton John (Le roi lion, Allers et Minkoff, 1994).

Les précédents Ghibli ne sont bien sûr pas exempts de mélodies enfantines. Ils en sont truffés. Mais ne servant généralement qu’aux génériques de fin, ces titres ne gênent pas le récit et s’avèrent même amusants (Ponyo en 2007, Totoro en 1988). Ici, Cécile Corbel et Simon Caby noient leur musique sous un chant mielleux que l’anglais n’arrange pas (on pense à la fadeur irlandaise des Corrs). Deux chansons nous font grimacer, la suite est meilleure. La guitare s’efface et laisse la harpe ou la flûte au premier plan. Quittant les rivages sucrés de la pop, sans être originale, la musique joue enfin son rôle : elle complète l’image, la valorise parfois, mais ne s’y substitue plus par ses défauts.

La harpe de côté, Yonebayashi utilise la bande son pour appuyer les différences d’échelles qu’il semble moins évident de rendre en dessin qu’en image réelle. Une scène se démarque sur ce point, c’est le soir où, en compagnie de son père pour un larcin, la minuscule Arietty découvre le monde des humains : dans la cuisine immense, sur le bord d’une commode et regardant en bas, elle est prise d’un vertige qu’intensifient l’assourdissant tic-tac de la pendule et l’éclatement du goutte-à-goutte dans l’évier.

Une maison isolée dans la verdure établit un voisinage avec Totoro. Les décors minutieux renvoient à un quotidien européen (Kiki, 1989, Porco Rosso, 1992). Personnage féminin fort et central, Arriety apparaît comme la lointaine cousine de Mononoke (1997), Chihiro (2001)… Tout dans le film porte la marque du maître des studios, jusque dans l’approche écologique de l’histoire (les chapardeurs excellent dans l’art du recyclage). L’absence de manichéisme fait surtout l’intérêt de l’animation Ghibli et Hiromasa Yonebayashi conserve toute la nuance des situations qu’il s’approprie (voir la belle scène où Arrietty se cache derrière un mouchoir de papier, honteuse de s’être fait surprendre, ou bien, de l’intérêt presque amoureux que lui porte Sho). Plus ambitieux que Le royaume des chats (Hiroyuki Morita, 2002, autre scénario de Miyasaki et autre réalisation déléguée), il manque encore à ce premier film le merveilleux avec lequel ses prédécesseurs nous ont emportés.





Voir le dossier consacré au film par Buta Connection.

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2 commentaires à propos de “Arrietty, le petit monde des chapardeurs (Karigurashi no Arrietty)”

  1. Personnellement, j’ai plutot apprécié le film malgré son caractére enfantin. La magie des studios Ghibli opère toujours. Par ailleurs, je crois qu’on peut faire un parallèle avec un célèbre film de science fiction : L’homme qui rétrécit (1957, de Jack Arnold, tiré d’une nouvelle Richard Matheson), ou l’on voit un homme devenu lilliputien se servir d’une aiguille comme arme et chaparder de petits bouts de nourriture pour sa survie. Des éléments repris pour ce dessin animé.

  2. J’avoue que pour ma part je suis passé un peu à côté de film au scénario un tantinet paresseux. Les images sont belles, les détails sont soignés, comme dans tout film Ghibli qui se respecte, mais il manque la magie qui agissait dans Totoro (où finalement il ne se passe pas grand chose non plus), cette poésie qui faisait de chaque plan un tableau de maître. Pourtant certaines scènes sont très belles, mais il manque au réalisateur un soupçon de maîtrise (notamment dans la gestion du non-dit) pour les rendre inoubliables. Bon, ça reste quand même un cran au-dessus de la production actuelle. En revanche, la musique est vraiment trop envahissante et mièvre au possible.

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