We need to talk about Kevin

Lynne Ramsay, 2011 (États-Unis, Royaume-Uni)

We need to talk about Kevin


S’il pose la question de la responsabilité, la mère et l’éducation qu’elle donne ou, au choix, le mal inné chez un enfant qui aime faire le mal (en fait un gosse de film d’horreur, La malédiction en modèle, Donner, 1976), c’est à travers un comportement stupide, celui de la mère d’une victime qui gifle Tilda Swinton, la mère du meurtrier, et la traite de « salope ». Là, le spectateur, s’il ne s’est pas encore posé la question, doit se dire : « tout serait donc de la faute de la maman ». Car c’est bien connu un parent qui ne supporte plus les cris de son bébé (la méthode du marteau piqueur est-elle probante ?) ou qui s’impatiente parce que son enfant ne parle pas encore ou ne renvoie pas la balle risque de faire de lui un tueur. Mamans, attention ! Et le père ? Et bien lui (John C. Reilly) est plutôt hors de cause. Il ne s’aperçoit pas du comportement provocateur et dangereux de son fils (le hamster dans le broyeur de l’évier, un déboucheur chimique à porter de main de la petite sœur…), trouve que sa femme dramatise et en profite pour encourager son petit à faire du tir à l’arc, un sport sain et sans risque.

Dans le gymnase, à la fin, puisque tout le scénario se construit autour de cette scène et sur l’attente d’une explication au comportement du gamin (ce qui est par ailleurs peut-être le plus irritant dans tout ça), Kevin 15 ans (Ezra Miller), en représentation et le plus calmement du monde, après avoir soigneusement verrouillé toutes les portes, perce de ses flèches dix ou douze camarades. D’où le rouge qui colle à la peau de la mère, puisque la réalisatrice place presque systématiquement du rouge à chaque plan avec Tilda Swinton, de l’ours en peluche aux boîtes de tomates en supermarché. La mère est rongée de remord et à son idée peut-être même la seule coupable. Ces effets de couleurs et ces touches graphiques çà et là distribuées ne sont d’ailleurs pas les seules prétentions esthétiques du film, car d’autres les complètent, belles lumières, décors glacés, flous artistiques… La tuerie du lycée, pour y revenir, ramène aux massacres du même genre perpétrés aux États-Unis (Columbine en 1999 étant resté célèbre) et par conséquent à Elephant (2003). Dans ce dernier, Gus Van Sant évitait les effets crâneurs et son dispositif donnait à son film fluidité et mystère. Lynne Ramsay, elle, se plaît à manipuler et à rendre pénible une construction faite de flash-backs et de tensions à répétition. Elephant n’expliquait rien et était beau, We need to talk about Kevin mise sur l’esthétique mais n’avance à rien.

Si durant la première partie du film, quand Kevin n’est pas encore adolescent, le malaise créé rappelle celui de Funny games de Michael Haneke (1997), la suite se relâche un peu. Cependant le film nous a déjà énervé et, pour mieux supporter les situations subies, le spectateur aspire à une issue proprement satanique. C’est aussi pourquoi le site du gymnase nous fait croire à une possible réminiscence de Carrie au bal du diable de De Palma (1976). Pourtant jamais la fantastique ne vient et, au fur et à mesure que la tension tombe, le film nous laisse encore une bonne heure désabusés. A oublier.

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