Wallace & Gromit, le mystère du lapin-garou

Nick Park et Steve Box, 2005 (Royaume-Uni, États-Unis)

A chaque puissance son animation d’excellence : les antiques studios Disney dépoussiérés par Pixar aux Etats-Unis, Ghibli et autre I.G. au Japon, et les Britanniques d’Aardman en Europe. Certes les productions de ces derniers sont plus rares (et jusqu’à récemment épaulées, ne l’ignorons pas, par le géant américain Dreamworks)… Mais également parfois plus précieuses (même si une comparaison avec les œuvres de Miyazaki-san serait osée). Wallace, Gromit et ce mystérieux lapin-garou sont la preuve que les artistes inspirés sont encore capables d’extraire des joyaux de cette bonne vieille pâte à modeler.

Le film joue sur la forme des choses et leurs transformations, ce qui constitue finalement tout l’intérêt de sa matière première, la plastiline. La principale transformation est bien sûr celle supposée à la lecture du titre : un lapin qui gambade joyeusement entre les potirons la journée et qui, à la nuit tombée, devient un monstre bizarre… En vérité, la créature en cache une autre plus terrifiante encore, et à la vue de cette dernière, vos zygomatiques se figeront en un rictus qui trahira votre stupéfiante hésitation entre le rire et l’effroi. Le passage de la normalité à la monstruosité (pas la votre mais celle du lapin-garou) est abordé en un pastiche du Loup-garou de George Waggner (1941), ou, un poil plus réaliste, du Loup-garou de Londres de John Landis (1981 ; le même John Landis qui réalise en 1982 le clip de Thriller de Michael Jackson). D’autres correspondances dans les formes et d’autres transformations sont évoquées, de la coiffure orange de Lady Tottington en forme de carotte aux mutations opérées par les jardiniers amateurs sur leurs cucurbites. Une dernière correspondance peut être trouvée chez Victor Quartermaine et son méchant chien Philippe, doubles « maléfiques » et principaux concurrents des deux héros.

Wallace et Gromit nous amusent à se faire peur. La lune est brumeuse et les décors lugubres (manoir et cimetière). Dans une amusante exagération, le craquement de la foudre et l’orgue d’église accompagnent idéalement ces aventures horrifiques. Les inventions du sympathique duo sont truculentes. Une des plus farfelues, l’aspirateur à nuisibles, est au centre d’une scène hilarante. Au milieu du jardin, un lapin se fait tirer dessus par le diabolique Victor Quartermaine et croit mourir. Nous voyons l’animal voler et traverser un long couloir sombre, puis la lumière au bout du tunnel et finalement le rongeur flotter dans les airs avec ces congénères dans ce que l’on imagine être un paradis des lapins. Un plan large ramène le lapin à la réalité et révèle au spectateur sa méprise : l’animal a échappé à la balle qui lui était destinée et s’est trouvé in extremis happé par la machine de Wallace. Le paradis n’est autre que l’énorme contenant en verre dans lequel sont récupérés les nuisibles qui ont été aspirés. Ailleurs, une des inventions de Wallace est un prétexte pour reprendre quelques artifices traditionnels du film d’horreur que ne peut ignorer une parodie. Ainsi, la machine censée laver le cerveau des lapins s’inspire de celle qui permet à Victor Frankenstein d’amener sa créature à la vie (influence météorologique ou astrale, éclairs frappant les corps et les cerveaux…). Une autre scène détourne l’image de King Kong (citons l’original de 1933 de Schoedsack et Cooper), remplacé par le lapin-garou, grimpant l’Empire State Building avec sa fiancée (ici Lady Tottington) dans le poing.

Après trois fulgurants essais sur le court, Wallace et Gromit découvrent pour la première fois le long métrage et cela n’est pas mauvais pour eux. Les gags sont bons et le rythme jusqu’au bout haletant. Le film est supérieur à la précédente production Aardman (le plus simple Chicken run de Peter Lord et du même Nick Park, 2000) et prouve que la résistance à l’animation entièrement numérisée est possible !

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