Vampires

John Carpenter, 1997 (États-Unis)

Carpenter ne se plie pas à la trame convenue qui décrit une troupe de monstres lancée à l’assaut d’une maison isolée ou d’un bar de routiers (La nuit des morts vivants, Romero, 1968, Une nuit en enfer, Rodriguez, 1996). Le sang injecté n’est pas neuf pour autant, mais en inversant les rôles et en croisant les genres (le film d’horreur et le western), il livre une réaction brutale à la sortie dans les années 1990 de vampires que James Wood décrit lui-même comme des « travs romantiques, hyper sapés et à l’accent merdique » (Dracula de Coppola, 1992, Entretien avec un vampire de Jordan, 1994).

En plein jour, le groupe de tueurs très chrétiens mené par un Terminator à l’arbalète (James Wood) toque à la porte de bicoques à la peinture écaillée afin d’inviter poliment leurs occupants à sortir. Le travail de ces employés du Vatican est bien rodé (ce que démontre la scène d’introduction et les quelques aspersions de circonstances). Carpenter les filme même désinvoltes (Daniel Baldwin sifflote en pleine manœuvre et fait du chasseur de vampires le simple collègue de l’éboueur). Pas de place pour l’amour en ce monde, la seule idylle possible ne concerne que des morts en sursis (Sheryll Lee qui subit tout du long).

Direct sans être imbécile, le scénario revisite le mythe du vampire dont le premier membre, Valek, n’est autre qu’un prêtre déviant du XIVe siècle ayant subi un « exorcisme inversé » et à qui une cérémonie spécifique permettrait de remarcher en plein jour (en confondant Dracula et Judas dans Dracula 2001, Patrick Lussier faisait lui aussi naître le vampire d’une matrice chrétienne). A l’origine du mal, l’Église tente de le traiter par les tueries secrètement perpétrées en Europe et en Amérique. Mais exsangue, face au personnage intègre bien que grossier de Jack Crow (le susdit Terminator), la tête de l’institution n’est plus représentée que par un prélat vénal et intriguant.

Paysages (filtrés) du Nouveau Mexique et rythme lent, la poussière se soulève et les vampires se lèvent. Le réalisateur de Ghosts of Mars (2001) trace un récit sans ambages comme ses chasseurs qui retournent finir leur bouleau sans (presque) jamais rien concéder.

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4 commentaires à propos de “Vampires”

  1. S ‘il est, de toute prime abord, l’occasion de confirmer que depuis Jack Burton, toutes les BO de Carpenter sont franchement dégueulasses* (alors qu’avant, mazette !, y’avait du sacrément bon** !), Vampires estomaque vite dans sa jubilatoire cohérence du mauvais goût – et à ce titre, il nous faudra le concéder, la musique s’avère fichtrement en phase avec l’intention.
    Cynique, joyeusement borderline (la séquence où Jack Crow revient au motel pour faire « le ménage » !), ouvertement malpoli et provocateur, plus que de genre le film se pose foutument – et pour notre plus parfaite jubilation – en prototype de mauvais genre.
    Héros vulgaires, grossiers et ouvertement négatifs, aux fulgurances confinant parfois au plus parfait cartoonesque (voir certaines mines dégoûtées de James Woods et apprécier le régulier approximatif des interventions), environnement délétère (entre minables motels à putes, église criminalisée et décadente, et haciendas peckinpahesques) et argument aussi incongru qu’irrévérencieux (une sorte de 12 Salopards mandatés par le Vatican pour estourbir le premier vampire créé par une Église aux représentants volontiers hystériques dans la violence)… font de cette « Aorte Sauvage »***, une fois roublardement combinés ensemble, quelque chose d’autrement plus excitant (et de plus réussi) que tous les Dan Brown du monde tomhanksés pour les box offices grégairement paresseux.
    Casting au poil (Môssieur James Woods, mais aussi la toujours insaisissable Sheryl Lee (Sailor et Lula, Backbeat mais surtout LA Laura Palmer de Lynch !) et un énième frangin Baldwin (le graisseux Daniel, ayant accompagné Mickey Rourke et Don Johnson **** dans leur traversée du désert 90’s) dont l’atavique incharisme familial fait ici des merveilles d’approprié !) ou presque (le so 90’s Michael Wincott eut sans doute fait un meilleur Valek !), rythme incroyablement soutenu, traitement plastique remarquable (intérieurs aussi bien éclairés que ceux du Prince des Ténèbres, extérieurs aussi décalés que dans le futur et aussi gourmand Ghosts of Mars*****), tout concourt à faire du western à dents longues Ze film de vampires de la fin des 90’s (plus que le Dracu’ d’Coppo’ (que Carpenter crut longtemps se voir offrir avant qu’on lui ôte le joujou des mains, la faute à sa trop faible notoriété et sa piètre bankabeulité)) et sans doute même la meilleure chose qui soit arrivé au mythe jusqu’à True blood
    Aux côtés d’Aldrich et de Peckinpah, Carpenter fait -une fois de plus !- grave le boulot !

    * Assaut, Halloween, Fog, NY97,…

    ** exception faite, peut-être, de celle du Prince des Ténèbres !

    ***ce délicieux calembour n’est hélas pas mien mais de Bertrand Rougier, in Mad Movies

    ****ce dernier, catchant moins, s’en est-il seulement vraiment sorti ?

    *****le film est incroyablement cohérent avec l’œuvre dernière du père Carpentouze (les damnés ou invisibles remakes mis à part)

  2. Merci de ton commentaire, toujours rythmé et inspiré.

    Comme toi en voyant Thomas Ian Griffith, j’ai regretté Michael Wincott, le grand méchant des petits rôles (The crow, 1492, Dead man, Strange days…).

    Je ne connais pas bien Peckinpah (excepté Pat Garrett et, lointain dans mes souvenirs, Les chiens de paille). Influence pour Carpenter, je ne sais pas ce que ce dernier lui emprunte.

  3. Entièrement d’accord avec Mariaque. Pour Benjamin, même si on peut parler de Peckinpah, Carpenter n’a eu de cesse de se réclamer surtout d’Howard Hawks. D’ailleurs, Big John s’est toujours débrouillé pour citer Rio Bravo dans presque tous ses films !

  4. Maintenant, sans beaucoup connaître Peckinpah, je me rends compte de son influence en me remémorant Pat Garrett et Billy le Kid. Les hommes dans leurs tueries sont brutaux, sales et sans gloire (c’est aussi le cas dans tous les ersatz de westerns filmés par Carpenter, Vampires, NY97, Los Angeles 2013, Ghosts of Mars…).

    La correspondance avec Hawks et Rio Bravo (1959) me semble apparaître dans la lenteur de l’intrigue et la façon qu’a Carpenter de distiller la violence. Dans d’autres aspects ?

    La relation de Rio Bravo avec Assaut (1973) est plus évidente.

    Comme Hawks (et peut-être même Ford), Carpenter affectionne les personnages comiques (le padre dans Vampires, Stumpy dans Rio Bravo, Harry Dean Stanton dans NY97…). Mais ce genre de rôle est devenu courant dans les films d’aventure. Faut-il y voir une influence pour autant…

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