Un beau soleil intérieur

Claire Denis, 2017 (France)

Quel est ce beau soleil intérieur que lui conseille de trouver Depardieu tout en restant… « open » ? Isabelle se pose bien la question : qui est capable en elle de ramener cette lumière chaude et apaisante (si toutefois par le passé elle s’est déjà durablement installée) ?

Isabelle, dont s’empare Juliette Binoche, est une femme séduisante (mini jupe et cuissardes) décidée à conquérir un amour indéfinissable. Un idéal certainement… Les amours indécis alors s’enchaînent et l’errance des sentiments n’en est que trop longue. Mais ce soleil ne s’est-il pas éteint définitivement, étouffé dès le départ du père de sa fille, lorsqu’elle, Isabelle, a décidé d’en finir avec leur histoire ? Depuis, le voile épais qui l’empêche de distinguer l’homme qui lui faut, n’est percé que par quelques rayons, trop rares à son goût. Ainsi, avec un acteur (Nicolas Duveauchelle) qui vite et seul, là est tout le problème, regrette que la nuit ait fini au lit (étreinte accueillie pourtant comme un réel soulagement, par elle, par lui, par nous, après un interminable échange autour de sentiments tâtonnants, hésitants, refusés, tus à moitié). Avec un galeriste (Alex Descas) à qui elle a donné la main, à l’écoute, débonnaire, prêt devant l’impatience d’Isabelle à prendre son temps… D’autres rayons la réconfortent encore à l’occasion : Laurent Grévill l’ex qui garde les clés de chez elle, Paul Blain l’artisan de province dont le profil complète à merveille le sien d’artiste parisienne prête à « s’ouvrir » à l’international… Et d’autres encore pourraient la réconforter à l’avenir : Bruno Podalydès car ses approches sont pour l’instant toutes vouées à l’échec, Philippe Katherine dont les rencontres chez le poissonnier sont certes régulières mais seulement gentilles trop peu conquérantes… Et pourquoi pas Gérard Depardieu que l’on prend un instant pour un psy mais dont la spécialité consiste avant tout à troubler un peu plus, à brouiller l’avenir d’Isabelle avec un pendule ? Et elle, comme sous hypnose, prête à tout croire. Mais comment faire pour s’assurer que ces rayons de soleil désirés l’atteignent ?

En effet, comme c’est écrit sur les panneaux, Isabelle est « dessous », tout en bas dans La Souterraine (le temps d’un déplacement), au quatrième sous-sol de la vie amoureuse… D’ailleurs, si bas, certaines rencontres n’étonnent pas. Par exemple Xavier Beauvois, banquier méprisable pour qui tout est acquis et avec qui la rupture est brutale… Ainsi que toute une flopée de bourgeois parisiens appartenant au monde de l’art contemporain, avec leurs maisons secondaires, qui spéculent sur la beauté du monde à peine le pied posé sur le parterre de feuilles d’une campagne voisine et contre lesquels (Aude Van Peteghem sort de ce corps) Isabelle vitupère tout à coup. On s’amuse encore de croiser d’autres excellents acteurs dans de courtes scènes, Valéria Bruni Tedeschi (dans la douleur d’une rupture précipitée par le voyant qui a aussi ses propres tracas) et Josiane Balasko (très bien en galeriste très affairée).

Inspiré des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes (le scénario a été coécrit par Christine Angot et Claire Denis), la réalisatrice signe une comédie qui procure, grâce aux acteurs, un réel plaisir. On apprécie ainsi le temps laissé à chaque scène, l’étirement des dialogues (certains jusqu’à l’épuisement) durant lesquels Claire Denis nous laisse assister aux changements de ton, d’humeur, aux troubles naissants, aux larmes qui perlent effacées par un sourire ou à celles frottées contre la joue d’un amant… Tout n’est pas pleinement réussi dans le film. Certains dialogues abusent des non-dits pour ne plus rien dire du tout. La réalisatrice prend des risques et certaines situations frôlent aussi l’ennui. Mais Juliette Binoche est rayonnante et chacune des rencontres faites une petite joie. Sur les visages auxquels la caméra est attentive, on voit les émotions qui s’installent. Retenons la peur de la solitude qui accompagne Isabelle dans ses moments d’angoisse. Ou un merveilleux sourire sur lequel se clôt le film et qui dit tout des perspectives amoureuses renouvelées… grâce au baratin du voyant. La comédie est tendre et cruelle à la fois.

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2 commentaires à propos de “Un beau soleil intérieur”

  1. Pas convaincu pour ma part. J’ai eu l’impression de tourner en rond, de piétiner pendant tout le film, qui ne parvient pas à donner vie à d’autres personnages que celui d’Isabelle. J’ai trouvé cela caricatural et égocentrique, et médiocrement écrit Christine Angot oblige. Heureusement qu’il y a le sourire de Juliette Binoche.

  2. Je comprends un peu ton ressenti. Le film est loin d’être parfait, on s’en rend compte facilement (je veux dire même en ayant apprécié). Mais j’ignorais tout du film et des acteurs qui s’y trouvaient et, au risque de me répéter, tout mon plaisir est venu d’eux et du temps que leur a laissé la caméra. Et il est rare qu’un film me convainque surtout par ses acteurs !

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