Superman returns

Bryan Singer, 2006 (États-Unis)

Comme un chippendale, l’homme est baraqué, est capable de retirer ses habits à grande vitesse, aimante tous les regards féminins, toutefois ce qui le meut n’est pas l’argent vulgairement glissé dans la culotte mais des valeurs autrement plus nobles… A travers l’œil de Bryan Singer, qui a déjà côtoyé tout un lot de super-héros (X-Men 1 et 2 en 2000 et 2003), et alors que Clark Kent joue habilement les maladroits parmi les humains, Superman, protecteur fort occupé, sillonne à nouveau le ciel de la planète Terre.

La réussite d’une aventure de super-héros réside beaucoup dans le vilain qui lui est associé. Lex Luthor, l’ennemi historique du super homme, n’a pas grande épaisseur psychologique ni même d’ambitions très originales, pourtant, incarné par Kevin Spacey (qui succède dans le rôle à Gene Hackman présent dès le Superman de Richard Donner en 1979), par son dandysme, sa vilenie, sa démesure, il offre à l’histoire un amusant décalage qui évite à Superman de rester cloué au sol alourdi par le premier degré inhérent au personnage. La première séquence qui suit le générique installe une atmosphère exagérément dramatique : un manoir, un orage, le legs d’une milliardaire moribonde à Lex Luthor. Luthor s’éloigne du lit de mort et fait face à la famille indignée du testateur. Il regarde une petite fille (cadrée en plongée), lui tend sa perruque et lance : « ça, tu peux le prendre, le reste est à moi ». Du côté « méchant », le ton est donné.

Une astuce de scénario permet à Bryan Singer de refilmer des scènes du tout premier épisode tout en présentant son héros aux nouvelles générations. C’est pourquoi, lorsque l’on découvre, en plein Kansas, la très typique ferme des Kent et, dans le champs voisin, le crash d’un vaisseau spatial aux allures de météore, le réalisateur nous donne l’impression de reprendre le début de l’histoire du comic book. Martha Kent se rend sur place et recueille dans ses bras son fils adoptif, Clark/Superman (Brandon Routh), revenu d’un voyage de cinq ans à travers l’espace dont le but a été de rechercher les traces de Krypton, sa planète, et d’éventuels congénères. Cinq ans passés et le monde a changé. Superman absent et la tragédie du 11 septembre 2001 n’a pu être évitée. Comment aurait-il pu empêcher l’événement ? Singer nous le fait deviner lorsque le super-homme à la cape évite à un avion de ligne de se crasher au cœur de la ville. Il le dépose aussi délicatement que possible au milieu d’un terrain de baseball. Deux plans sont particulièrement réussis lors de cette excitant épisode : un durant lequel l’avion parvient un bref instant au-dessus de l’atmosphère et que les passagers ressentent l’apesanteur, quelques secondes de flottement semblent alors interrompre la catastrophe ; et un plan au sol, dans le stade, qui fait la jonction entre la balle frappée par un batteur et s’élevant dans le ciel et l’avion qui tombe, le nez piquant droit sur le terrain. Plus tard, lorsque la ville est secouée par les perturbantes activités de Luthor, Superman récupère dans ses bras les corps qui tombent des gratte-ciel… Cinq ans passés et son ancien amour, la reporter du Daily Planet Loïs Lane (Kate Bosworth), a refait sa vie avec enfant et fiancé (James Marsden alias Cyclope dans la trilogie X-Men). Les tracas que se donnent mutuellement Loïs et Superman sont une des trames de fond. Sont abordés ici et là les thèmes de l’amour, de la rivalité masculine (les deux hommes « volent »…), celui de la famille (un dessin de l’enfant représente la famille recomposée, fiancé et Superman inclus) et même de la paternité (la phrase du père de Kal-El au commencement du film « le père devient le fils et le fils le père » est porteuse de sens dans les relations entretenues par le fils de Loïs et Superman). Ainsi, Superman s’en va voir Loïs à son domicile, il observe sa maison de sa vue perce-muraille et surprend sa vie de famille. Richard, le fiancé, demande à Loïs si elle a aimé Superman. Le non est répondu sèchement et, brusquement, le regard du super-héros se heurte aux murs rematérialisés, marquant un peu plus la rupture perçue entre eux. Pourtant, quelques minutes après, Clark garde un air énamouré. Au bureau du Daily Planet, il voit la femme aimée s’éloignée et prendre l’ascenseur. Il la suit des yeux sans être plus gêné par les cloisons qui la séparent de lui et, centrée dans une image sépia, elle s’élève. La bien-aimée est idéalisée et ce d’autant plus que l’amour est ancien (ce à quoi ramène la couleur qui est celle des photos anciennes et des souvenirs). La mise en scène et la métaphore sont habiles.

A l’instar de l’homme araignée recueillit par la population après avoir arrêté non sans effort le métro aérien lancé à pleine vitesse (Spider-man 2 de Sam Raimi, 2004), une fois le mal écarté, Superman devient figure christique dans un plan esthétiquement magnifique : gros plan sur le visage, il perd connaissance et s’éloigne lentement adoptant la position d’un Christ en croix, le cadre s’élargit et, derrière lui, la Terre vers laquelle il choit. L’image entraîne inévitablement une relecture religieuse de quelques éléments du film et, en premier lieu, des principaux articles écrits par Loïs Lane qui revêtent ainsi un tout autre sens (non pas « J’ai passé une nuit avec Superman » mais « Pourquoi le monde a [ou n’a pas ] besoin de Superman »). Le sauveur serait spirituel.

Superman est en proie à des doutes (origine, amour, devenir) mais le film est loin d’évoluer dans la noirceur du Batman begins de Christopher Nolan (2005), pas même dans la mélancolie du Hulk d’Ang Lee (2004). Presque vingt après le dernier volet de la série (Superman IV de Sidney J. Furie en 1987), Bryan Singer propose un retour réussi de l’homme d’acier et seuls, les rares et agaçants éléments moralistes, comme la cigarette, ne suffisent pas à nous faire mettre un bémol au film.

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3 commentaires à propos de “Superman returns”

  1. Kitsch ? On peut considérer la version de Singer comme naïve (l’histoire d’amour valorisée), trop légère ou ridicule si l’on n’est pas réceptif au second degré distillé par Kevin Spacey. Mais je ne vois pas en quoi Superman returns peut être kitsch.

    En revanche, kitsch sont les costumes de Michael Shannon et de Russell Crowe dans Man of steel de Snyder (2013). Kitsch aussi les décors dans ce même film. Un kitsch, une outrance, un mauvais goût comparables à celui de Thor de Branagh (2011).

  2. Un joli article, « Le « S » était trop petit », intègre les miscellanées de Rockyrama (n°10 de février 2016), « le meilleur fanzine de l’univers » (et ils peuvent en effet faire valoir quelque prétention). Le texte, signé Joe Hume, valorise ce mal aimé, film coincé entre les films de super-héros d’auteurs (période Singer, Lee, Raimi vite relayés par Nolan, peut-être le dernier auteur à faire valoir le genre) et les produits, plus bruyants, plus agités, plus fades. L’article n’est pas vraiment une analyse (aucune évocation du 11 septembre par exemple pourtant si présent), mais une simple déclaration argumentée : « Superman returns est bel et bien la meilleure suite au premier film de Richard Donner ».

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