Slumdog millionaire

Danny Boyle, 2009 (États-Unis, Royaume-Uni)

Tout est là pour la jouissance du spectateur : un jeune homme qui, des excréments dans lesquels il baigne enfant, court plein d’idéal après l’amour, et qui, sans le chercher, décroche le pactole après une série d’aventures plus ou moins folles, du bidonville de Bombay au plateau télé d’un jeu très populaire, des scènes de tortures opérées par des flics sans scrupule au suspense de « Qui veut gagner des millions ? »… Le spectateur a peur pour les protagonistes, les plaint, ou se réjouit pour eux selon que le scénario leur offre une perspective de souffrance ou de réconfort. Cependant les émotions sont suscitées par une mise en scène de publicitaire ou de faiseur de clip : une bande son agressive, un montage surexcité, des artifices en quantité… Danny Boyle ne sait pas faire plus simple. Comme ailleurs dans sa filmographie, lors de cadrages « sophistiqués » (nombreux plans inclinés souvent pris à même le sol), il donne davantage d’importance à l’esthétique qu’au sens de ses images.

Et de l’Inde ? Quelques prises de vue sur les chantiers de la mégapole, des ruelles insalubres parcourues lors d’une course dans un bidonville gigantesque (impressionnant lorsque la caméra le saisit dans une vue aérienne), le Taj Mahal, un final dansant et chantant sur les quais d’une gare et… l’émission « Qui veut gagner des millions ? ». Au final, rien de très dépaysant pour le spectateur occidental.

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5 commentaires à propos de “Slumdog millionaire”

  1. Danny Boyle est vraiment un réalisateur hors pair, au « style caméléon ». Ce qui est certain, c’est qu’il ne se cantonne pas dans un seul genre et enchaîne autant les succès commerciaux qu’artistiques avec des longs métrages aussi différents que Petits meurtres entre amis (1995), Trainspotting (1996), La plage (2000), 28 jours plus tard (2003) ou encore Sunshine (2007). Quelle diversité, mais surtout quel talent !

    Slumdog millionaire change lui aussi radicalement de style, idem dans la façon de tourner (Danny Boyle s’est fait aider, soulignons-le, dans la réalisation par l’Indienne Loveleen Tandan) et le résultat est tout simplement époustouflant : du très grand cinéma grâce à une belle histoire, beaucoup d’émotion, des acteurs attachants, du rythme et une excellente bande sonore (la musique est omniprésente, comme dans la bande-annonce façon vidéo-clip illustrée musicalement par Aha avec The sun always shines on TV).

    Qui veut gagner des millions ? Le célèbre jeu télévisé s’est exporté un peu partout dans le monde et notre Jean-Pierre Foucault national se nomme Prem Kumar en Inde. Il accueille, avec un faux sourire de présentateur hautain et un ton méprisant, le jeune Jamal Malik, orphelin vivant dans les bidonvilles de Mumbai. Ce dernier va petit à petit trouver toutes les bonnes réponses… Il n’en reste qu’une, celle à 20 millions de roupies, mais la sirène annonçant la fin du jeu retentit. Le suspense est à son comble et le jeu ne reprend que le lendemain. Un véritable conte de fées est en train de se réaliser : un pauvre est sur le point de devenir millionnaire et toute l’Inde le porte en héros. A coup sûr l’émission du lendemain va battre tous les records d’audience. Mais à la sortie du jeu, Jamal est cagoulé et emmené au poste de police pour y être interrogé car soupçonné de tricherie. Après avoir été torturé, le jeune homme est entendu par le commissaire : en revisionnant l’émission, il raconte, question après question, comment il lui était possible de connaître les réponses : chacune d’entre elles correspond à un moment important de sa vie faite de nombreuses tragédies mais dont les péripéties sont parfois drôles et toujours passionnantes. En fait, il a décidé de s’inscrire au jeu afin de retrouver Latika, l’amour de sa vie depuis sa plus tendre enfance (elle aussi orpheline) qu’il a perdu de vue.

    Emouvant, drôle, intelligent, profondément humain et rempli de vie… Très coloré et filmé avec autant d’énergie que la bande son, Slumdog millionaire est aussi magique que merveilleux. Une sorte de Bollywood sous forme de success story, sans le côté kitsch du genre, auquel il rend hommage durant un générique de fin chorégraphié. Rien à redire, aucune fausse note… Chef-d’œuvre.

  2. Un « slum » est la désignation anglo- indienne pour l’habitat spontané communément désigné sous le nom de « bidonville » en français ; soit littéralement « chien des bidonvilles »

  3. Gérard Hernandez, documentaliste à Saint-Médard-en-Jalles, met en ligne sur le site des Ailes du Désir un véritable petit dossier sur Slumdog millionaire (17 pages !).

    Voici un passage se rapportant à la morale qui me dérange tant dans le film. G. Hernandez commence par rappeler ce qu’était Kapo de Gillo Pontocorvo pour Jacques Rivette, un « film obscène » (« De l’abjection » dans Les Cahiers du cinéma, juin 1961). Il ajoute :

    « Dany Boyle, réalisateur de Slumdog Millionnaire, nous propose également un cinéma « obscène », quand il « vole » des images dans un bidonville, quand il filme les êtres humains les plus pauvres de notre planète, avec pour seul objectif de les utiliser comme des éléments anonymes, pittoresques et décoratifs de sa fiction cinématographique (ce qui nous renvoie sans nul doute possible à la « glorieuse » période du cinéma colonial !). Celui qui filme, en ce début de 21ème siècle, une course poursuite dans un bidonville pour le seul plaisir d’offrir aux spectateurs une séquence rythmée et colorée dans un environnement « exotique » mérite-t-il vraiment notre sympathie et notre approbation ? La question est posée… »

    Gérard Hernandez, « Slumdog millionaire », mars 2009, p. 10, 1.5.2.8. Morale et cinéma : un précédent célèbre, le film « Kapo ».

  4. Lion de Garth Davis avec Dev Patel et Nicole Kidman sort en février 2017.

    Il est présenté sur les affiches comme « Le nouveau Slumdog millionnaire » (cette accroche écrite le plus gros possible)… Le film raconte « Une incroyable histoire vraie » et met en scène un enfant de 5 ans sans famille… Il se conclue avec une courte séquence montrant les véritables personnes dont l’histoire est inspirée…

    Tout est déjà insupportable. A quand autre chose sur l’Inde que les gamins des bidonvilles volés et exhibés par Hollywood ?

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