Le refuge

François Ozon, 2009 (France)

A peine s’installe-t-on dans nos fauteuils de spectateurs que, dans un grand appartement bourgeois, les aiguilles injectant l’héroïne dans les veines de Louis et de Mousse nous piquent et nous font mal. Louis en meurt (Melvil Poupaud). Mousse survit et se découvre enceinte (Isabelle Carré). Les premières séquences chez Ozon sont glauques quelquefois (5×2, 2004, Ricky, 2009). Le cinéaste tire néanmoins ses personnages de l’obscurité et les hissent vers la lumière. Il lui arrive aussi de les relâcher avant la fin (Angel, 2007, et Ricky)…

Le refuge va vers cette lumière mais, comme dans Le temps qu’il reste (2005), Ozon cherche à suspendre le temps. La maison de bord de mer dans laquelle s’isole Mousse et qu’elle partage avec Paul, le frère de Louis (Louis-Ronan Choisy) est un refuge qui laisse ses hôtes indifférents au temps. Un cocon dans lequel Mousse trouve un père pour l’enfant qu’elle porte mais auquel elle ne s’attache pas. Un lieu de l’attente et de l’absence (Sous le sable, 2000).

Ce qui commence à agacer avec les histoires racontées par François Ozon c’est l’apparition du sexuellement original. De l’excentrique qui furète et finit par devenir central. Sortie de son refuge, le ventre rond et vulnérable, la belle Mousse se fait aborder par un coquet séducteur aux goûts dérangeants… A quoi sert la scène ? A répéter la fragilité de Mousse ? A troubler le spectateur ? Elle fait surtout apparaître un personnage creux, défini par un penchant sexuel singulier et le manque d’originalité de ses appâts (belle voiture, bel appartement, vue sur la mer). Il est un des dangers extérieurs (avec la mère de Louis et la rencontre sur la plage), soit, mais le bonhomme perturbe.

Avant les aiguilles, le film débute par une courbe. Celle dessinée par des lumières dans la nuit parisienne. Puis à cette courbe répond une vue du métro qui en une ligne droite traverse l’image d’un bout à l’autre. La courbe, c’est le parcours de Mousse. La ligne, c’est le temps. Dans le dernier plan, la caméra est avec l’actrice dans le métro. Mousse nous regarde. La drogue et la grossesse étaient des refuges. Comment s’isoler à présent ? Dans le wagon, la fuite devient un autre refuge… Avec une actrice magnifique (et tout aussi touchante que dans Se souvenir des belles choses de Zabou Breitman, 2002), Ozon suspend son histoire, fait un film beau malgré tout et intriguant.

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Une réponse à “Le refuge”

  1. Bonjour, très beau billet avec ses réserves. Je n’ai pas vu tout cela dans ce film mais j’ai aimé toutes les scènes « basques ». J’ai eu l’impression d’être en vacances (si, si). La fin est ouverte. On ne sait pas ce que devient Mousse, elle n’est pas tirée d’affaire. Sinon voir mon billet du 09/02/10. Bonne fin d’après-midi.

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