Poulet au vinaigre

Claude Chabrol, 1984 (France)

Poulet au vinaigre commence l’œil planté dans l’objectif d’un appareil photo et, s’arrêtant sur tous les convives d’une soirée de notables, on épie : pas un sourire forcé, pas une remontrance dissimulée, pas un titubement ne nous échappe. Dès ce plan-séquence, le malaise et l’hypocrisie sont présents et, dans les scènes suivantes, Chabrol nous présente la manigance à l’origine de l’ambiance délétère de cette bourgade de Haute-Normandie. Un médecin, un boucher et un notaire (Jean Topart, Jean-Claude Bouillaud, Michel Bouquet) entendent investir dans un projet immobilier juteux et pour cela déloger une veuve handicapée et son fils qui tant bien que mal leur résistent (Stéphane Audran et Lucas Belvaux). Les trois odieux enragent et menacent, la veuve résiste et le fils qui est facteur multiplie les mauvais coups à leur encontre. Il ouvre le courrier qui leur est destiné, crève les pneus de leur voiture, remplie le réservoir de sucre… Jusqu’au jour où le boucher meurt dans un accident de voiture. « Et de un ». Puis c’est au tour de la femme du médecin de disparaître. « Et de deux ». Après trois quart d’heure de mise en place, il est temps pour le poulet de faire son entrée, ce sera au café dans une scène de référence avec œufs au plat et paprika. Jean Poiret endosse pour la première fois l’imper de l’inspecteur Lavardin et comme il se permet tout, la procédure est bafouée, les témoins baffés et le ton vire au caustique. Après avoir fait tomber les masques, Lavardin coffre les bourgeois et sauve les modestes. La veuve a la paix et le postier peut, sans plus se cacher, rejoindre sa coquine de collègue (Pauline Lafont).

Tulard écrit : « On a oublié depuis belle lurette que Claude Chabrol fit partie de la Nouvelle Vague. Lui-même en a apparemment perdu le souvenir » (Dictionnaire amoureux du cinéma, Plon, 2009). Pour ce film, qui amorce avec réussite une fructueuse collaboration avec Mk2, mais peut-être déjà depuis un certain temps, Chabrol ne laisse en effet plus trace de ce qui a défini la Nouvelle Vague 25 ou 30 ans plus tôt. Sauf peut-être un goût certain pour le divertissement américain tel qu’il a été conçu par quelques grands noms : Hawks cité quand Rio Bravo (1959) sert d’alibi à un suspect, Hitchcock en référence tacite. D’ailleurs, rien que l’affiche et la bande-annonce dans lesquelles Chabrol se met en scène rappellent la façon dont le réalisateur de Fenêtre sur cour (1954) et Mais qui a tué Harry ? (1955) a pu assurer la promotion de ses réalisations. L’ombre d’Hitchcock sera toutefois plus nette dans l’enquête suivante, avec laquelle L’inspecteur Lavardin (1985) nous comblera même un peu plus.

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