Portrait de femme

Jane Campion, 1996 (États-Unis, Royaume-Uni)

NOIR ROMANTISME

En adaptant Henry James (le roman éponyme paraît en 1881), Jane Campion offre avec ce Portrait de femme, comme avec La leçon de piano qui le précède (1993), une plongée romantique, très dix-neuviémiste, avec exaltation du moi et déferlante de sentiments.

En 1872, en Angleterre, Isabel Archer (Nicole Kidman) est une jeune et belle Américaine qui ne veut pas d’une union cadenassée avec quelque parti que ce fut. Elle n’a que faire du beau et du riche, elle n’aspire qu’à la liberté, car ce dont elle rêve, c’est de découvrir le monde. Elle écarte en conséquence toutes les demandes en mariage qui lui sont pourtant faites en bonne et due forme et évince ainsi un Lord anglais, Warburton (Richard E. Grant), un plus modeste mais tenace compatriote, M. Goodwood (Viggo Mortensen tout en bouclettes), jusqu’à ce que le hasard, aidé par de sombres calculs, organise une rencontre avec une fort étrange personne.

Au cours d’un voyage à Florence, c’est Madame Merle (Barbara Hershey) qui la conduit tout droit jusqu’à ce dandy collectionneur d’art, Gilbert Osmond (John Malkovich). Sans comprendre, l’innocente tombe dans les rets du mystérieux couple d’amis et s’enferme dans une relation avec un homme qui s’avère très bientôt dur et vaniteux. Lorsque Osmond déclare sa flamme à Isabel, il le fait en un lieu pour le moins lugubre, une sorte de crypte, et, dès ces mots d’amour, leur liaison est annoncée funeste… Le cousin tuberculeux (Martin Donovan), qui a renoncé jadis à tout amour parce qu’il se savait condamné, ne sera pas d’une grande aide. Les dernières images montrent Isabel quittant un cimetière, dans un paysage enneigée, puis acculée contre une porte vitrée comme un insecte sans issue…

Dans Portrait de femme, une fois retiré le voile dont elle se couvre et que l’étiquette leur impose, sourire, pose, assurance de façade… on se rend bien vite compte qu’aucune femme n’est heureuse ni n’obtient jamais ce qu’elle désire. Ni Isabel, ni la fille d’Osmond qui ne peut vivre son amour pour un homme dont son père aura jugé la source de revenus trop modeste (la douce Valentina Cervi et le juvénile Christian Bale), ni même Madame Merle qui, si elle parvient davantage à ses fins, n’en paye pas moins le prix. « Ce film est l’histoire de femmes en cages » écrit Strum dans un bel article qui compare le livre et l’adaptation (Zoom Arrière, n°7, Les films de Jane Campion, 2023). À cet égard, l’étonnante scène de bal à Rome dit beaucoup des enjeux qui lient les prétendants calculateurs aux demoiselles qui déjà suffoquent. Oriane Sidre, dans un autre article (même revue), s’essaye à la décrire, « véritable reconstitution lyrique aux détails à la fois touchants et cocasses, traversée par des ruptures de rythme déroutantes », à l’image des vacillements mis en scène dans tout le film et desquels finalement pourrait se concrétiser « la possibilité d’une fuite, d’une émancipation dressée sous forme de point d’interrogation ».

Belle photographie dans des tons bleus et verts aquarelle. Robes et costumes sont superbes. La direction d’acteurs et le travail de ces derniers sur certaines scènes sont étonnants. Je retiens la dispute forte en peines et en tensions entre Kidman et Malkovich, mari insupportable et vampirique dont le documentaire de Peter Long et Kate Elis rend compte sur le tournage de cette scène qui apparemment a été éprouvante pour les acteurs. Par sa réalisation, Jane Campion parvient à afficher le trouble à l’image, le désir, l’enfermement, l’angoisse et les frustrations. Les effets ne sont pas toujours neufs (visage dédoublé, brouillé derrière une vitre…), mais les plans restent souvent très beaux. Malheureusement d’autres effets plus maladroits (les ralentis) gênent aussi un peu le plaisir. Les acteurs quant à eux sont irréprochables.

RSS
Follow by Email
Twitter
Visit Us

Une réponse à “Portrait de femme”

  1. Bonjour, ce Portrait de femme mériterait qu’il soit redécouvert 13 ans après sa sortie. Il était sorti au moment des fêtes de Noël et il n’a pas eu la carrière qu’il méritait. C’est un film à voir pour le « casting » exceptionnel, pour la musique, les décors, les costumes. Je suis contente de l’avoir (enfin) trouvé en DVD import zone 2. Bonne journée.

Répondre à dasola Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*