Poetry

Lee Chang-dong, 2009 (Corée du Sud)




En dépit de leurs failles, les pères ou les maris du Japon se réconcilient maintenant avec leurs proches (le magnifique Tokyo sonata de Kurosawa, Still walking de Kore-Eda, Departures de Takita). Ailleurs en Asie (Philippines et Corée du Sud), ce sont plutôt les femmes âgées qui sont observées par les cinéastes. Des femmes dont les initiatives surprennent et témoignent de leur résistance (rudement mise à l’épreuve) dans ces sociétés urbaines et délétères pour la famille (Lola de Mendoza, Mother de Bong Joon-ho, tous étant sortis en 2008-2009).

Lee Chang-dong (coproducteur du premier métrage d’Ounie Lecomte, Une vie toute neuve) filme Yoon Jung-hee dans le rôle de Mija, grand-mère en charge d’un petit-fils, Wook, inconscient de son comportement et de ses actes. Les rapports humains présentés par le réalisateur de Secret sunshine (2007) sont désespérants : relations brisées entre Mija, sa fille ou Wook (pas de père), viol collectif et suicide d’une jeune fille dont se moquent les adolescents responsables, parents achetant le deuil et le silence de la mère de la victime… La transformation en chiffres des rapports humains se systématise même quand, une fois passé l’assouvissement d’un désir sexuel, le « président » handicapé dont Mija s’occupe devient exceptionnelle source d’argent (à l’inverse du petit-fils).

Néanmoins, grâce à la poésie, Lee Chang-dong nous tire de cette poix et nous fait flotter au-dessus. La poésie est dans ses plans (l’inquiétant fleuve Han, la suspension d’un volant au cours d’une partie de badminton hors contexte). Elle est aussi approchée par son personnage voulant répondre à Alzheimer qui le guette (Se souvenir des belles choses, Zabou Breitman, 2001). La poésie se dit, s’écrit et s’affiche, tout comme les haïkus dans Mes voisins les Yamadas (Takahata, 1999) ou les vers de 24 City (Jia Zhang-Ke, 2009).

Le réalisateur nous tire encore de cette poix grâce à un plan (très court), vers la fin, qui montre dans la rue les bribes d’une transmission rassurante et inconsciente (Mija et Wook ont disparu). Dans cette rue, sous un arbre, une petite vieille semble à l’affut de ce que le vent dans les branches lui soufflerait (ce que peu auparavant lui avait montré Mija). Sur la route, trois petits font tourner des cerceaux sur leurs hanches (ce que peu auparavant leur avait montré Wook).

Sans y avoir été sensible sur toute sa longueur, Poetry a tout de même de beaux passages (la métaphore de l’abricot). Quant à la grand-mère dont on suit le parcours et les absences, elle pourrait prendre place entre les mamies déterminées de Mendoza et le vieux couple fragile d’Ozu (Voyage à Tokyo, 1953).

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