Pacific Rim

Guillermo del Toro, 2013 (États-Unis)



Si Armageddon (Bay, 1998) était en son temps un film hénorme, Pacific Rim est quant à lui HE-NAUR-MEUH. Kaijus contre mechas (aussi appelé « Jaegers » car le vocabulaire, comme les influences et le marché visé, est international), c’est-à-dire monstres et robots géants lancés les uns sur les autres dans de gigantesques apocalypses : ça c’est pour l’originalité du scénario. Tous les pays du monde unis contre l’envahisseur extraterrestre : ça c’est pour la géopolitique.

Tout ce qui est à l’échelle du gros monstrass (on adapte également notre vocabulaire) est bourrin, visqueux et grotesque (Le Colosse du pseudo-Goya, Harryhausen ou Cronenberg en références ne suffisent pas à garantir l’intérêt du produit). Tout ce qui est à l’échelle humaine est bête (l’humour est mauvais, l’animosité entre les gros bras est dictée par les besoins du scénario, idem pour les relations familiales censées étoffer des personnages moins bien pensés que les armes des mechas ou que l’anatomie des Kaijus -on trouve quand même un fœtus dans une cavité cérébrale-). La combinaison des deux est par conséquent sans surprise : le pilotage des robots assuré par la connexion de cerveaux humains (ce qui aurait pu être là une vraie idée) ne change rien à l’indigence de l’histoire et, c’est dommage, ne révolutionne pas non plus la psychanalyse.

Dans un contexte de fébrilité hollywoodienne (lorsqu’un seul film de par son gigantisme budgétaire, exécuté par un yes man et avec des inconnus dans les rôles principaux, peut décider de la réussite ou de la faillite d’un studio ; situation dénoncée par Spielberg et Lucas en juin 2013*), il nous semble que ce film marque un point de non retour dans l’énormité.




* C’est au cours d’une conférence donnée le 12 juin 2013 à la fac de cinéma de l’USC (University of South California) que les deux réalisateurs ont donné leur sentiment sur l’état de l’industrie hollywoodienne. Spielberg par exemple annonçait ceci : « There’s going to be an implosion where three or four or maybe even a half-dozen of these mega-budgeted movies go crashing into the ground and that’s going to change the paradigm again ». Plusieurs réalisateurs (comme Robert Zemeckis ou James Gray) se sont ensuite aussi exprimés sur le sujet, la plupart reconnaissant le problème.

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9 commentaires à propos de “Pacific Rim”

  1. Salut Benjamin,

    Ok, personnages stéréotypés, scénario des années 80 et humour en berne, finalement comme tous les blockbusters sortis depuis le mois de mai. Mais contrairement à ces derniers, il y a un vrai parti-pris visuel qui m’a paru très réussi. Et des scènes d’action impressionnantes ! Donc satisfait.

    Je ne l’aurais pas pris en exemple pour illustrer les propos de Spielberg. A la Warner, il m’a semblé que c’était Man of Steel qui assurait la bonne santé estivale de la major et Pacific Rim un pari puisque le film – qui a coûté une fortune en effet – a l’étiquette « fantasme de geek » pas super lucratif (tu as vu Scott Pilgrim) et est une expérience commerciale : si j’ai bien compris le film essaye de séduire l’Asie sans perdre son public américain. Pari limité puisque Del Toro a du aussi montrer patte blanche, ce qui explique peut-être qu’il ait cantonné son ambition à l’esthétique (réussie selon moi).

  2. Je ne sais pas. Le parti-pris visuel n’apparaît pas à mes yeux très original. En terme d’images, c’est un mélange de choses bien connues, disons Transformers (Bay) et Godzilla (Emmerich). ILM ne montre rien de neuf visuellement, si ? Et que les monstres soient plus gros et plus grands ne changent rien.

    Peut-être signalera-t-on simplement une évocation de Blade runner lorsque les scientifiques partent en excursion dans la mégapole japonaise (les ambiances d’un Chinatown de néons, ses arrières boutiques et ses chausse-trappes). De même, on peut penser que les reflets multicolores sur les casques des pilotes de robots sont un souvenir de 2001.

    Oui, visuellement, si l’on oublie la base militaire, le poste de contrôle et d’autres décors attendus et convenus, il y a quelques scènes esthétiquement réussies. Mais c’est sans grand plaisir pour moi et moins encore dans les scènes d’action (que tout ça est lent !).

    En fait je ne comprends pas l’indulgence, voire l’engouement dont Guillermo del Toro profite sur ce film.

    En cherchant des informations quant à la production, on trouve qu’il a rejoint un projet dont il n’a pas eu l’initiative (il quitte la production du Hobbit et renonce aux Montagnes hallucinées avant d’être engagé sur Pacific Rim). Par conséquent, qu’est-ce que le réalisateur mexicain a pu vraiment exiger auprès des studios ? Quels ont été ses choix ? Ron Perlman ? La belle affaire… Des remerciements à Harryhausen ou Honda ? Et donc ? Le film s’est fait dans l’urgence, les acteurs ont même dû improviser par moments (on imagine aisément le travail vu le haut niveau exigé par les dialogues et les situations) et la 3D, dont le réalisateur ne voulait pas, a été appliquée en post production…

    Où trouver l’auteur dans tout ça ? Comment dire de Bay et d’Emmerich qu’ils sont juste de gros bourrins et de del Toro qu’il est un réalisateur qui a su personnaliser et rendre intelligent son blockbuster ?

  3. Sur le contrôle de Del Toro, je n’ai jamais dit qu’il était libre. Je me pose la même question que toi et c’est ce que j’entendais par « montrer patte blanche », j’en parle rapidement dans ma note (qui sera bientôt publiée).

    Sur l’aspect visuel, je comprends parfaitement qu’on distingue Bay et Emmerich de Del Toro. A première vue, ça se ressemble, j’en conviens mais en fait non :-).

    Sur l’engouement, il faut à mon sens distinguer l’attente suscitée par le film et le résultat critique qui me paraît mitigé (les Inrocks et Libé ont trouvé cela mauvais par exemple).

    Mais quand tu parles d’indulgence, je ne suis pas sûr d’avoir compris : tu veux dire sur l’ensemble de la carrière de Del Toro ? Parce qu’effectivement on peut se poser la question du rapport entre la qualité de sa filmographie et l’image de cinéaste très respectable de réalisateur qu’il en retire.

  4. Je repose la question, quelle différence entre Pacific Rim et Transformers ? Si, il y a quand même une chose que del Toro évite (et c’est tant mieux) c’est la bombe sexuelle, préférant jouer sur une certaine infantilité de l’héroïne (à moins qu’il faille prêter d’autres intentions en rapport avec la séduction du public asiatique, ce que tu signalais plus haut).

    Sinon, de façon plus générale, je crois que le réalisateur a plu pour deux ou trois de ses films (les films fantastiques qu’il a écrit et réalisé), qu’il a surtout étonné avec son Labyrinthe car il montrait qu’il était capable de réflexion, d’allusion à l’Histoire, peut-être d’introspection… Mais pour moi cela s’arrête là. Il se charge le plus souvent de commandes et, pour l’instant, Hollywood profite davantage de lui que l’inverse.

  5. Je préfère Blade 2/Pacific Rim à Transformers/Bad boys. Question de style. J’ai cette désagréable impression que Bay me dit : « tu aimes ça, hein ? Les explosions et les caméras qui tournent ! » alors que Del Toro dit « moi j’aime ça et j’espère que vous allez vous éclatez aussi ». Et il filme mieux quand même.

    Transformers, ça se passe en plein jour non ? Et les robots sont super flashy, rutilants, inutilement compliqués, ils parlent… Et surtout on voit rien du tout, on ne comprend jamais ce qu’ils font. Je trouve que Pacific Rim est joli, avec des belles couleurs et tout.

    Mais si tu poses la question de la différence dans la construction du film et/ou des personnages, je n’ai pas de réponse.

    D’accord avec ton dernier paragraphe.

  6. Il y a une sacrée différence entre Pacific Rim et Transformers !

    La prétention. Del Toro filme ses combats avec amour. L’amour d’un gosse à qui on a donné de nouveaux gros jouets. Et il veut communiquer cet amour (en cela, on sent la « patte » du réalisateur et dépasse le statut de commande). Et ça marche. C’est même grandiose !

    En face, Bay se la pète en faisant croire que son film est autre chose qu’une bouillie de pixels illisible. Il ne communique rien par ses combats. C’est une sacrée différence. Assez grande pour que je pardonne à del Toro son manque d’audace sur tout le reste. Du moins, c’est ce que j’ai ressenti 😉

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