Millenium

Niels Arden Oplev, 2009 (Suède, Danemark)

Millenium (Män som hatar kvinnor, « Les hommes qui n’aimaient pas les femmes ») est une véritable bombe, un extraordinaire coup de poing dans le genre du thriller noir. Adapté de la première partie de la trilogie du célèbre roman*, il fait partie de ces rares métrages qui marquent longuement et profondément les esprits après sa projection.

Mikael Blomkvist (Michael Nyqvist) mène une enquête sur Harriet Vanger disparue il y a quarante ans, nièce d’un certain Henrik Vanger (Sven-Bertil Taube) et également son ancienne nourrice. Journaliste dans Millenium, célèbre revue économique, Mikael est condamné pour diffamation et fait l’objet d’une enquête. Il est épié et traqué à distance par une « hackeuse » professionnelle surdouée au look goth-punk assez trash, Lisbeth Salander (Noomi Rapace), qui travaille pour Milton security, société qui assure la sécurité des entreprises. Les événements les amènent à se rencontrer. L’enquête menée autour du meurtre présumé de la jeune Harriet et au sein de l’ignoble famille Vanger, dont plusieurs de ses membres ont des affinités néonazies, soulève bien des mystères et révèle d’inimaginables horreurs.

J’imagine que le livre de Stieg Larsson doit être passionnant (décédé d’une crise cardiaque en 2004, il n’aura donc jamais vu de son vivant cette adaptation). En tout cas, Millenium, le film, est une enquête palpitante sans temps mort. Au-delà de l’incroyable scénario lié à cette enquête, Millenium semble une adaptation cinématographique réussie dans laquelle Niels Arden Oplev parvient à faire cohabiter merveilleusement des scènes crues et violentes (certaines sont presque insoutenables et le récit concentre des sujets durs et sensibles : nazisme et haine raciale, tueur en série et meurtres ignobles, fanatisme religieux, pédophilie, inceste, parricide, viol et abus sexuels, etc. Oui, il faut s’accrocher !) à d’autres plus tendres (la nostalgie liée à l’enfance), presque poétiques (les magnifiques paysages suédois), le tout sans omettre quelques traits d’humour. Une ambiance sombre et mystérieuse se dégage des images (la photographie y est très belle), renforcée par une musique forte et angoissante. Les acteurs sont absolument incroyables et quel bonheur de ne pas voir des Américains « bankables » aseptiser le propos (tout du moins pas encore, car on n’est pas à l’abri d’un remake !). De plus, la performance de Noomi Rapace est assez hallucinante (quel pseudonyme parfait, elle qui, froide et peu bavarde, incarne ce corbeau punk !). Loin des blockbusters habituels, on assiste là à un véritable film de genre transformé en chef-d’œuvre.

Je n’ai pas lu le livre (au moins j’ai bénéficié de l’effet de surprise lié à la découverte de l’histoire), mais je suppose, au vu de la réalisation, que son adaptation était loin d’être évidente… J’attends à présent avec impatience, mais non sans une crainte et un peu de scepticisme, les deux autres volets de la trilogie (La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette et La reine dans le palais des courants d’air). Celui-ci est tellement abouti que l’histoire toutefois ne devrait pas permettre de suite (au risque donc de faire moins bien). Millenium est mon film préféré depuis le début de cette année et je ne saurais que trop vous le conseiller.




* Stieg LARSSON, Millenium, 3 vol., Actes Sud, coll. « Actes noirs », 2006. Le phénomène littéraire le plus marquant depuis le succès colossal du Da Vinci Code s’est vendu à tout de même plus de dix millions d’exemplaires dans le monde et les ventes vont très certainement repartir après le film !

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6 commentaires à propos de “Millenium”

  1. Ola ola ola…
    J’ai adoré les livres, j’ai vu le film et ça m’a donné envie de relire les livres…
    Evidemment il y a des coupes, évidemment ils insistent un peu trop sur des instants un peu « racoleurs »… Mais à mon sens, c’est une adaptation fidèle et authentique, si possible voyez-le en VO !
    L’actrice principale est telle que je me l’imaginais à la lecture des romans… Vraiment un très bon casting, pour tous les personnages ! J’ai entendu que Hollywood voulait déjà faire un remake… Pffff… si vous avez vu Ouvre les yeux (Abre los ojos de l’Espagnol Alejandro Amenábar, 1998) et son fade remake US Vanilla sky (Cameron Crowe, 2001) après, vous savez ce que je crains…
    Enfin, je vous encourage à dévorer les livres et pourquoi pas voir le film après… 🙂

  2. Niels Arden Oplev ne fait rien, il accorde la primauté à une histoire grotesque (pédophilie, zoophilie, nazisme…) et réalise une simple illustration… Sans personnalité aucune.

    Le lien avec Seven (1995) me paraît évident et pourtant il n’a pas ici été cité. Fincher mettait en scène une histoire de meurtres en série, une enquête et son lot d’énigmes ainsi qu’une ambiance. Si Millenium possède sa propre ambiance, il est difficile de dire qu’elle est le fruit d’un très gros travail. Quelques belles images de paysages suédois, c’est vrai, mais pas plus (une ville, une campagne, un axe routier, cela tient en trois jolis plans). La façon de faire est terne comme la réalisation d’un téléfilm.

    Nous évoquions ce défaut à propos de Ne le dis à personne de Canet (2006), le scénario constituant toute la substance de la production, le spectateur y sera particulièrement attentif et relèvera plusieurs incohérences : des policiers qui se livrent volontiers à de longues explications concernant une enquête criminelle, de trop fructueuses recherches sur Google (le journaliste n’a-t-il pas mieux comme sources ?)… La primauté de l’histoire dessert les pe
    rsonnages dont la psychologie, au mieux, reste superficielle (il est amusant de noter que le spectateur en sait davantage sur Lisbeth Salander que Blomkvist et moins sur Blomkvist que Salander…).

    La violence de certaines scènes, celles qui concernent l’horrible « tuteur », est gratuite et dérangeante (la vengeance de Lisbeth est aussi celle du spectateur). Si ce personnage ne réapparaît pas d’une façon ou d’une autre dans un des deux volets suivants, les « mésaventures » qu’il fait endurer et qu’il endure ne peuvent être seulement justifiées qu’en tant qu’explication au comportement de Lisbeth.

    Enfin, rien de nouveau n’est présenté à nos yeux : les tableaux de photos et d’épingles (il peut s’agir de la meilleure méthode à employer…), les énigmes chiffrées qui se révèlent être des références bibliques (vu dans Seven, vu dans Le Da Vinci code, Ron Howard, 2006, La fin des temps, Peter Hyams, 1999 etc.)… Les explications, qui peut-être sont limpides dans le texte original, sont lourdes dans les dialogues (Anita, « la fille », Cecilia, « la sœur », Harriet, « la cousine » et Nicolas « le jardinier »)…

    Finissons par une note plus positive, le film n’a pas dû coûter grand chose et si Millenium 2 et 3 ne sont pas trop gourmands, les retombées de ce succès seront sûrement profitables au cinéma suédois.

  3. Une question ou deux :

    Est-ce bien l’Internationale qui est chantée au bureau de Millenium ? Lorsque Blomkvist réintègre l’équipe de son journal, il me semble entendre « Debout ! les damnés de la terre… ».

    La question politique est-elle développée dans le livre ?

  4. Eh bien, on peut dire que les avis sont vraiment partagés! Pour ma part, j’avoue m’être vraiment laissé prendre par l’histoire qui m’a donné envie de lire le livre. Je suis d’accord avec toi, Benjamin, sur la psychologie des personnages (mieux approchée dans le roman). Pour le reste, pas du tout. Les scènes de violence peuvent choquer évidemment mais je peux te répondre que le Tuteur aura visiblement un rôle conséquent dans le prochain film, sans révéler la suite de l’histoire. Je n’ai pas fait de rapprochements avec Seven. Le style de Fincher et même le scénario sont éloignés de Millenium. J’ajouterai que les mêmes reproches ont été faits sur Seven en ce qui concernent la violence et surtout l’histoire, trop inspirée du Silence des agneaux pour les détracteurs.

  5. Je rapproche Millenium de Seven sur les trois points cités plus haut. Fincher a bien un autre style qu’Arden Oplev (disons que Fincher a un style) et l’histoire de Larsson est plus torturée (je ne suis pas sûr que le terme ici convienne), ce qu’elle gagne en longueur et en complexité, elle le perd en efficacité. On peut faire nettement mieux sans invoquer toutes les défectuosités cérébrales connues chez l’humain et sans lourdement les mêler aux troubles de l’Histoire…

    Peut-être Larsson est-il suffisamment habile pour faire passer l’ensemble entre ses pages, j’en doute, au mieux le réalisateur danois réalise un film indigeste.

  6. Maintenant que l’adaptation de Fincher est sortie en ce début 2012, tu me raconteras, Étienne, que Millenium offre un univers éloigné de ceux qui séduisent habituellement le réalisateur américain…

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