Mary Shelley

Haifaa Al-Mansour, 2018 (Royaume-Uni)

Citer A vindication of the rights of woman de la mère Mary Wollstonecraft (1792), plutôt que Lives of necromancers du père William Godwin (1834), nous donne une indication sur le thème traité. Bien sûr Mary Shelley de Haifaa Al-Mansour n’abandonne pas totalement le roman gothique et en fait apparaître certains des lieux communs (un manoir, un orage et l’oppression d’un mal). Cependant l’histoire se veut celle de la jeune femme qui, entre seize et vingt ans, coincée entre père et amant, s’est battue pour son indépendance et pour s’affirmer en tant qu’écrivain.

Emma Jensen qui est à l’origine de cette version féministe du récit des origines de Frankenstein (et qui est aussi la productrice du film) collabore pour son adaptation avec Haifaa Al-Mansour. La réalisatrice, remarquée pour avoir été avec Wadjda la première femme à réaliser un film en Arabie Saoudite en 2012, ne parvient cependant pas à s’emparer du sujet sans quelques maladresses. Et déjà, dès le début, les premiers faux raccords nous font craindre l’approximation (pour ne donner qu’un exemple, Mary traverse un cimetière sous la pluie et les rues de Londres dans le plan suivant sont baignées de soleil). Heureusement, l’histoire se déroule sans que l’on se heurte systématiquement à la faiblesse de la réalisation ou à celle de certains des jeunes acteurs (repensons à Elle Fanning dans le rôle titre et oublions la plupart des autres).

La relecture d’Emma Jensen pourtant nous plaît : reconsidérer le premier roman de Mary Shelley, si l’on verse un peu dans l’exagération, comme une autobiographie déguisée, et deviner qui en réalité se cache derrière Frankenstein et sa créature avaient de quoi rendre le film électrique. L’obsession croissante de la future auteure pour le retour des morts à la vie trouve à se nourrir de terribles pertes (sa mère à sa naissance, son premier enfant avec Percey Shelley). De plus, les exigences de la société patriarcale et bourgeoise dont elle dépend et qu’elle refuse ainsi que d’autres déconvenues (familiales et amoureuses) sont la source grandissante d’une angoisse et d’une rage qu’elle peine à contenir. L’invitation de Lord Byron (Tom Sturridge péniblement poseur) et le défi lancé à ses hôtes de rédiger une histoire de fantômes font alors l’effet d’un véritable catalyseur. Dans la villa Diodati, dans la cité du bout du lac, Mary devance Percey, Byron et Polidori. Sa plume s’électrise et libère le monstre.

La genèse de Frankenstein ou le Prométhée moderne, le fragment biographique et l’essai féministe ont du mal à coexister dans le même corps. Les sutures sont trop apparentes, la démarche lourde et claudicante. On peut malgré tout apprécier l’idée même du projet, l’étincelle de départ.

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2 commentaires à propos de “Mary Shelley”

  1. Bonjour, je pense que le film dramatique « Mary Shelley » est une très belle réalisation de Haifaa al-Mansour. Je trouve que l’actrice Elle Fanning a aussi très bien joué son rôle

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