Logan lucky

Steven Soderbergh, 2017 (Etats-Unis)

Comment rebondir lorsqu’à l’occasion de votre tout premier long métrage (Sexe, mensonge et vidéo, 1989), vous obtenez la palme d’or au festival de Cannes ? A l’âge de 36 ans, Steven Soderbergh n’avait déjà plus rien à prouver et se consacra donc au cours des vingt années suivantes à des projets d’un éclectisme confondant, du côté de la fiction aussi bien que du documentaire, avant d’annoncer subitement en 2013 qu’il mettait un terme à sa carrière cinématographique, lassé par le star system hollywoodien et les productions formatées des grandes majors. L’enfant chéri du cinéma américain, petit génie bardé de récompenses, préférait donc se consacrer à des projets télé. De quoi laisser dubitatifs ses fans de la première heure, parfois étonnés par ses choix hétéroclites, mais rarement déçus. Il faut dire que le bonhomme a de l’or dans les doigts et que même en totale roue libre, Soderbergh réussit toujours à forcer le respect par sa science du casting, sa maîtrise du montage et son talent pour diriger les acteurs. Donc, quatre ans plus tard, Soderbergh nous revient après s’être longuement expliqué sur ce comeback inattendu, plus en forme que jamais, avec un petit film indépendant qui ne paie pas de mine, Logan lucky, une histoire de casse de banque a priori sans surprise, qui se révèle pourtant être un brillant divertissement porté par une bande son exceptionnelle… Tiens, n’aurait-on pas déjà vu cela dans Baby Driver ? Oui, mais cette fois nous avons affaire à un film écrit avec intelligence et réalisé avec non moins de talent.

Loin des grandes cités affairées, Soderbergh pose ses valises du côté de la Caroline du Nord, dans un coin paumé où les rednecks semblent prospérer à coup de boulots mal payés, de bières sans saveur, de concours de saucisse et autres kermesses pour ploucs désoeuvrés. Parmi ce ramassis de génies incompris, les frères Logan (et leur sœur) semblent ne pas avoir été particulièrement favorisés par dame nature, ils traînent même une réputation d’abrutis patentés. Jimmy, ancienne gloire locale du foot américain, divorcé de la belle Bobbie Jo, vit de petits boulots et s’occupe dès qu’il peut de sa fille Sadie. Sans le sou, il réussit à convaincre son frère Clyde, ancien soldat blessé en Irak et désormais amputé d’un bras, d’organiser un casse pour braquer le circuit Charlotte Motor Speedway alors qu’aura bientôt lieu la plus grande course de la saison. Durant un bref chantier, Jimmy a eu l’occasion d’apercevoir le circuit de tubes pneumatiques qui conduit à la chambre forte, ce qui n’a pas manqué de lui donner des idées. Mais pour mener à bien leur projet, il leur faut l’aide d’un spécialiste, le fameux Joe Bang, roi de l’explosif fait maison et du forçage de coffres. Léger problème, le bonhomme est encore incarcéré pour cinq mois dans la prison de Monroe et la course est imminente. Nos deux frères ont donc un plan pour le faire sortir de taule le temps du braquage et lui faire réintégrer sa cellule une fois le travail effectué. Dommage que Bang exige que ses deux frangins à moitié analphabètes fassent partie de l’équipe.

En apparence très convenu, le scénario écrit par Rebecca Blunt, est pourtant une petite merveille d’intelligence, pas tant pour sa trame  mais plutôt pour sa galerie de personnages truculents, ses dialogues très drôles et sa capacité à prendre à contre-pied les archétypes du film de braquage. Logan lucky aurait pu être condescendant et méprisant, c’était toutefois sans compter le talent de Soderbergh, à qui l’on doit à nouveau un casting exceptionnel, certes pas aussi bankable que celui d’Ocean Eleven (2001) et de ses suites, mais le réalisateur a su choisir des acteurs de premier plan (Channing Tatum, Adam Driver, Daniel Craig ou bien encore Katie Holmes…). Tous crèvent l’écran et semblent prendre un plaisir fou dans leur rôle de composition, de toute façon personne n’en doutait au regard de ce que Soderbergh a prouvé par le passé en matière de direction d’acteurs. L’ensemble confère une rare humanité à des personnages qui en apparence avaient tout pour faire office de braves crétins stéréotypés. Il y a beaucoup de roublardise et de faux semblants dans ce Logan lucky et il paraît évident que Soderbergh, plus en forme que jamais, avait non seulement un peu l’envie de rouler les spectateurs dans la farine, mais également le projet de montrer une autre Amérique, celle des campagnes et des petites villes de taille moyenne, éloignée des grands centres de décision politiques et économiques et à qui l’on a trop facilement imputé ces derniers temps la montée des extrêmes aux Etats-Unis. Il serait néanmoins malhonnête de prêter au film des intentions qu’il n’a pas, car Logan lucky est avant tout une petite comédie policière, amusante et tout simplement divertissante. C’est déjà pas mal ; même si l’on trouvera à nouveau des esprits chagrins pour regretter que ce film ne soit qu’une oeuvre mineure au regard du talent du réalisateur, mais il faut dire que l’on entend cette rengaine depuis tant d’années que l’on n’y prête plus guère attention.

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Une réponse à “Logan lucky”

  1. Bonjour Ornelune, rien que Daniel Craig en bagnard vaut son pesant de cacahouètes. J’ai aimé la fin amorale du film. Et j’ai été contente de voir Hilary Swank assez irrésistible. Bonne après-midi.

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