Legend

Ridley Scott, 1985 (États-Unis)

Jadis Scott ne faisait pas œuvre de réalisme dans ses représentations médiévales. Le récit cependant pourrait avoir été celui d’un lai entendu enfant par Balian (Kingdom of Heaven, 2005). Longtemps avant de dévêtir Robin des Bois de son folklore (2010), Ridley Scott mettait en image un scénario peuplé d’elfes et de licornes.

Contrairement à Willow de Howard (1988), et loin du modèle de Cocteau (La belle et la bête, 1945), Legend qui célèbre pourtant la dévotion à une Dame, n’accorde pas aux femmes de rôles très valorisants. Les Saintes Écritures revisitées par les trolls et les fées, c’est bien naturellement dans une forêt d’Éden que la princesse Lili (Mia Sara), jusque-là innocente (vierge), pêche en touchant une licorne sacrée (corne à laquelle un grand pouvoir est prêté). L’hiver s’abat soudain et seuls Jack (Tom Cruise en Adam et champion), un faune [1] et leurs sylvestres compagnons [2] luttent contre le mal incarné (Tim Curry en colosse rouge et cornu). Même grimaçante, Lili n’est pas tout à fait insensible aux charmes de l’hideux (les diamants la préparent à céder). Dans les bras de son double maléfique auquel durant une valse elle s’abandonne, Lili évoque une Cendrillon (1950) trempée dans l’encre burtonienne. A la fin de l’aventure, le mal écarté, c’est un anneau nuptial qui sauve définitivement la princesse (ainsi le salut grâce au mariage). Les autres figures féminines n’ont rien à envier à la pécheresse repentie : une fée amoureuse et ignorée (rivalité sentimentale vite écartée) et une dévoreuse de chair verte comme la vase (peut-être marâtre ?)…

Legend ne fait pas de démonstration de force (ni bataille, ni déferlement de figurants). A l’instar des héros de Perrault ou d’Andersen, Jack défait son adversaire par la ruse. Outre l’histoire, Scott soigne particulièrement l’ambiance. Les futaies de Jack et Lili ressemblent à celles traversées par Siegfried (Les Nibelungen, Lang, 1924) et Arthur (Excalibur, Boorman, 1981). Le talent des décorateurs est de reproduire en studio ce paysage forestier fourmillant de vie (chaque buisson abrite un animal, à chaque raie de lumière un nuage de bestioles) [3]. Quelques plans suffisent et, malgré un espace restreint (peu profond, presque cloisonné, proche en cela des décors de Kong et Zaroff), l’univers est créé. Ne s’agit-il pas là d’une chambre d’enfant dont les murs tombent avec l’imaginaire de l’occupant ? Ainsi, Legend réussit à concilier l’enchantement des contes et l’intimité de l’enfance.





[1] Faune que les Grecs considéraient souvent lubrique et ayant ici les traits d’un jeune garçon (David Bennent).
[2] L’un deux, Kiran Shah, est connu pour avoir figuré dans plusieurs succès (Les aventuriers de l’Arche perdue, Dark crystal, Narnia, Wolfman…).
[3] Leslie Dilley a été directeur artistique pour Lucas (Star wars, 1977), Donner (Superman, 1979) et Spielberg (Les aventuriers de l’Arche perdue). Quant à Alex Thomson pour la restitution à l’image, il a travaillé sur Alien 3 (Fincher, 1992) et Excalibur.

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