Laissons Lucie faire !

Emmanuel Mouret, 1999 (France)

Préférant la sincérité au secret, Lucie veut sa relation de couple la plus transparente possible. Lucien, qui malgré tout tient à Lucie, se trouve, lui, plus embarrassé avec l’honnêteté. Si peu à l’aise quand il faut prendre la parole, il s’accommode assez bien des non-dits. Les petits mensonges lui sont d’ailleurs bien utiles, en premier lieu pour dissimuler les très gentilles tentations qui se présentent à lui, mais également pour entretenir le secret au nom du bien commun puisque, ayant coché la case « Services secrets » lors du concours de la gendarmerie, il officie désormais comme débutant dans l’espionnage français.

Dès son premier long, Emmanuel Mouret trouve la contrariété de la relation amoureuse sur laquelle tisser les charmes et les maladresses qui font tout le plaisir de son cinéma. À Lucien, son personnage, d’adapter le degré d’honnêteté nécessaire pour préserver son couple, son jardin secret sentimental, ainsi que les impératifs de son nouveau métier. Bien que le titre soit trompeur (nulle malice dans l’attitude de Lucie), on comprend vite que le personnage de Mouret, en dépit de ses stratagèmes, ne sera pas tout à fait le maître d’œuvre de ce qui lui arrive. L’intelligence dans cette histoire, souvent en maillot (ça n’empêche pas), c’est plutôt Marie Gillain qui, par son intérêt nouveau pour la psychologie des désirs, analyse les sentiments autant que son couple.

Lucie bouge les épaules et les hanches pour enfiler les maillots de bains qu’elle vend sur la plage. Elle prend la pose devant les clients et sourit. Comment résister à la séduction exercée par Marie Gillain dès les premières scènes ? Un peu plus tard, c’est Dolorès Chaplin que le hasard (qui d’autres ?) met sur la route de Lucien et qui, s’étant jusqu’à présent trop sérieusement consacrée à ses études, souhaite profiter de la grande expérience de l’aimable nigaud en matière de sensualité. Mais quand Lucien est en même temps appelé par le devoir, ça complique des situations qu’il avait déjà bien du mal à gérer.

On a vite compris en le voyant, jamais dans l’assurance, toujours plein d’hésitation, que faire de Lucien un grand séducteur du littoral marseillais, doublé d’un agent secret au service de l’État, cela tient d’un art maîtrisé de l’oxymore. C’est vrai que Mouret bricole un peu avec les défauts de ton et de jeu, que la mise en scène est au plus simple, mais on s’amuse de la naïveté des personnages et de l’incongruité des situations. Et puis en se plaçant sous des patronages dont l’association elle-même paraît improbable, entre Éric Rohmer et Blake Edwards, Emmanuel Mouret fait un film intelligent et agréable devant lequel on s’amuse.

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3 commentaires à propos de “Laissons Lucie faire !”

  1. Je ne connais Emmanuel Mouret que pour Mademoiselle de Joncquières, dont je crois savoir qu’il est un peu atypique dans sa filmo. Là, tu donnes envie et intrigues un peu, avec ton histoire de double patronage. Merci ! De là à dénicher le film…

    Je n’avais pas reconnu Marie Gillain, une comédienne qu’on ne voit plus beaucoup. Je le regrette, car je la trouvais douée et, pour avoir eu la chance d’échanger quelques mots avec elle… il y a une quinzaine d’années, très sympathique au demeurant.

    • Je ne sais pas ce que j’aurais à lui dire, mais ça me plairait d’échanger avec Marie Gillain, ne serait-ce qu’un regard. Tu en as eu de la chance. Enfin, je ne sais pas, c’est peut-être là ton quotidien que de croiser des actrices 🙂

      Il faut que je t’indique un autre titre de Mouret, qui comporte une de ces scènes que l’on place instantanément au-dessus de tout le reste tellement elles nous touchent. C’est Un baiser s’il vous plaît (2007), en particulier donc ces quelques secondes avec Virgine Ledoyen : elle imagine quitter son ami, La jeune fille et la mort accompagne son moment d’absence et c’est sublime.

      • 🙂 Non, ce n’est pas mon quotidien de croiser des actrices. Disons que j’avais quelques opportunités de ce genre dans le cadre de mon boulot, à l’époque.

        Et oui, échanger avec Marie Gillain est un chouette souvenir, car cela s’était passé en toute simplicité. J’ai d’ailleurs l’impression que les Belges qui font du cinéma, en général, sont assez « cools ».

        Tout cela m’a incité à chercher des infos et permis de constater que l’actrice sera de retour au cinéma en fin d’année !

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