La nuit

Michelangelo Antonioni, 1961 (Italie)

Un enfant pleure dans une impasse. Lidia regarde la pendule cassée qui gît au sol. Sa main caresse un mur décrépit… Giovanni, lui, regarde les autres jeunes femmes. Après dix années de mariage, leur amour à tous deux s’est étiolé et la nuit qu’ils s’apprêtent à passer, à la fois ensemble et séparés, révèle les difficultés auxquelles leur couple doit faire face.

Selon Pierre Murat et Michel Grisolia, le cinéma d’Antonioni « est un ménage à trois : un homme, une femme et l’espace »*. Il s’agit ici du couple désuni Marcello Mastroianni – Jeanne Moreau et de l’espace urbain milanais. Lidia et Giovanni ont, en apparence, tout ce dont ils rêvent. L’argent et la beauté. Lui est un écrivain que la critique encense, elle, s’affiche à ses côtés dans les séances de dédicaces et les soirées. Pourtant leur amour s’est tari. Lidia s’en désole et ne paraît plus très concernée lorsqu’elle accompagne son mari. Alors elle fuit… un peu. Elle déambule dans la ville (le long des avenues, son errance nous ramène à celle d’Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle tourné quatre ans plus tôt). Pendant ce temps, Giovanni s’entiche d’autres femmes, presque accidentellement avec la fille de l’hôpital, ou moins nonchalamment avec la jeune fille du riche industriel (la belle Monica Vitti qui tourne à plusieurs reprises avec le cinéaste italien, dans L’aventura en 1960 ou dans L’éclipse en 1962). L’ami que Lidia et Giovanni visitent à l’hôpital au début du film, et dont bien plus tard ils apprennent la mort, est une métaphore de leur relation et de leur amour… Quant à Milan, elle est superbement filmée. Les images sont belles et sophistiquées : du centre à la périphérie, des immeubles modernes et rectilignes des années 1950 aux terrains désaffectés propices aux bagarres… La ville procure un décor idéal pour cette relation froide et distendue.

Un peu comme le fera Stanley Kubrick avec Eyes wide shut (1999), Michelangelo Antonioni traite du couple en crise. La nuit ne laisse toutefois guère d’espoir sur la décrépitude sentimentale exposée. Présenté au festival de Berlin à l’époque, le métrage obtient un Ours d’or.





 

*Pierre Murat, Michel Grisolia, Ciné Game Book, Paris, Assouline, 2004, p. 264.

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