Karnawal

Juan Pablo Félix, 2020 (Argentine, Bolivie)

Karnawal se distingue d’abord par ce personnage d’adolescent fier, Cabra, et par sa passion, le malambo. Dans Karnawal, la danse des gauchos (les vachers argentins) ponctue et rythme de claquements de bottes l’histoire d’une famille de Jujuy, dans le Nord-Est de l’Argentine. Le réalisateur montre les pas faits par ce jeune dans sa chambre pour conclure une première séquence qui, grâce à la danse, nous interpelle un peu plus. Il filme aussi une ou deux répétitions ainsi qu’une chorégraphie de groupe dans sa partie finale. L’ado Cabra (Martin López Lacci, effectivement champion de malambo) s’affirme grâce à la danse et celle qu’il exécute en groupe sur scène face aux yeux de ses parents n’est pas sans rappeler Billy Elliot (Daldry, 1999), quand le fils d’ouvrier défie son père de ses propres pas et pirouettes. On a parlé de fierté car Cabra prend la pose et, les yeux plissés, le torse bombé, il se gonfle d’orgueil, une attitude qui peut interroger le spectateur. Mais cette fierté est dictée par le malambo. Elle permet aussi à l’adolescent de trouver un peu de sens et d’exister.

L’histoire qui nous est racontée est plus classique, avec ce père criminel qui risque de faire basculer toute la famille dans le drame. Quoique le récit ne s’intéresse pas tant à ceux qui ont l’argent, ni aux corrompus qui sont à la tête du pouvoir local (dans la ville de San Salvador de Jujuy), mais simplement à ce vieil exécutant (l’acteur chilien Alfredo Castro), un homme des basses besognes qui a fini en prison, ce que l’on suppose, pour éviter aux notables de plonger. De même, dans le film, on découvre une frontière entre l’Argentine et la Bolivie aussi dangereuse par ses trafics que celle, mieux connue au cinéma, entre le Mexique et les États-Unis. Pour revenir à l’idée de famille, le film intéresse aussi sur quelques scènes par ces relations entre les adultes, la mère, le mari sorti de prison et l’amant gendarme (Monica Lairana, Alfredo Castro, Diego Cremonesi).

L’idée du carnaval filmé à différents moments avec ses couleurs, ses costumes, ses bandas, est plus difficile à saisir. On ne sais pas trop donner d’explication au titre… En lien avec le carême et en écho avec ce que vit Cabra ? S’agit-il de ne retenir que le spectacle pour faire oublier les restrictions des plus modestes ? Ou l’évocation discrète d’une période de transition, celle de l’adolescent qui devient adulte ? Ou encore, en pensant aux mauvaises actions du père, faut-il plutôt prêter attention aux masques et à ce qu’ils cachent ? Certainement un peu à tout cela à la fois, même si la mise en scène manque de faire des liens solides avec ce qui est raconté. Tout n’est peut-être pas très clair dans Karnawal, mais Juan Pablo Félix a une histoire à partager, celle du malambo, celle d’une famille, celle aussi d’un pays… et pour un premier film, c’est déjà pas mal.

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Une réponse à “Karnawal”

  1. Oui pourquoi ce titre Karnawal ? Tes réponses sont intéressantes et il s’agit certainement du passage de l’adolescence à l’âge adulte,faire tomber les masques.
    J’ai écouté le réalisateur du film qui a choisi ce titre et il disait que dans le sud de la Bolivie,on dit Karnawal,au moment du carnaval andin. Ce doit être un mélange de Quechua .
    Et le réalisateur rajoute qu’il a voulu ainsi montrer à travers ce titre ,le choc de culture entre ce jeune danseur qui incarne un peu la modernité et le gaucho traditionnel .

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